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AC 206
par Erynna
Dixième partie
~ Quatre no kokoro ~
On nous a abandonnés dans cette minuscule cellule aux allures de cage d'oiseau, grillagée de froids barreaux de métal contre lesquels j'appuie mon front. Mon regard erre sur les murs recouverts d'une peinture ocre, écaillée ici et là. Je pousse un soupir exaspéré. J'ai une furieuse envie de m'échapper de cet endroit déplaisant, d'étendre mes ailes et de m'envoler vers un ciel sans nuage… appelons cela le syndrome du canari.
N'était le soleil de midi dont les flots dorés coulent à travers l'étroite lucarne, notre cachot serait bien triste et bien morne. Et n'était la présence du soleil de ma vie, à mes côtés pour toujours, je sombrerais moi aussi dans la déprime.
A bien y réfléchir, notre situation s'est relativement améliorée. Les policiers, sans doute incommodés par le délicat parfum dont les poubelles nous avaient imprégnés, nous ont permis de faire un brin de toilette et de changer de vêtements. Le tissu rêche de la chemise fournie par les services sociaux du Sank Kingdom me démange et mes cheveux mouillés dégoulinent sur mes épaules, mais je n'ai pas lieu de me plaindre. Surtout pas après m'être fait traiter de travesti par les flics et avoir été enregistré dans le procès-verbal sous le nom de Quatre Barbara Winner Barton !
A propos, Winner Barton ou juste Barton ? Ou peut-être Barton Winner ? Voilà qui sonne plutôt bien. Il faudra que j'en parle à Trowa.
Je jette un coup d'œil par-dessus mon épaule, juste pour me repaître de la longue silhouette assise sur le banc, unique mobilier de notre cellule. Les yeux mi-clos, les bras croisés sur la poitrine et ces interminables jambes étendues devant lui… Je me demande… je me demande ce que cela ferait de les avoir enroulées autour de ma taille. Un léger sourire fleurit sur mon visage. Bientôt. La patience est mère de toutes les vertus.
Si calme, mon Trowa, comme s'il laissait passer l'orage, prêt à accueillir le beau temps qu'il est sûr de voir revenir. En même temps, tombé le masque de froideur et d'indifférence ! Tombé dès l'instant où mes lèvres ont touché les siennes et lui ont ravi notre premier baiser, ce matin même. Je l'aurais voulu plus doux, plus tendre, peut-être plus… réfléchi - est-ce seulement possible ? ou les premiers baisers font-ils partie des choses qui se contentent d'arriver, sans crier gare ? Trowa s'était mis à rire, de lui, de moi, de notre stupidité à tous les deux. Il n'avait pas du tout l'air pressé de m'embrasser, j'ai donc pris l'initiative…
Lorsque je repense au passé, à notre passé, je ne peux m'empêcher de me dire : "Nous sommes deux pauvres imbéciles !"
Ivre et presque nu, je demande à Trowa de m'épouser…
Trowa prend ses jambes à son cou…
Nous passons huit ans à nous morfondre chacun dans notre coin…
Ignorant les erreurs passées, je m'enivre à nouveau du vin de sa présence…
Mon chevalier servant me raccompagne jusqu'à ma chambre, et ensuite…
Trou noir.
Faille spatio-temporelle.
Enlèvement par des extraterrestres.
Ou simplement cuite du siècle.
Quoi qu'il se soit passé, impossible de me souvenir des événements de la nuit. Et je me réveille ce matin dans les bras de Trowa - jusque-là, tout va bien… au milieu des détritus - voilà qui est nettement moins agréable !
Mariés…
Quelle ironie du sort. Nous qui avons passé tant d'années à fuir nos sentiments, sommes enfin réunis par le plus stupide et le plus beau des coups du destin !
Je retourne vers le fond de la cellule et m'assois sur le banc près de Trowa. Lui ouvre un œil et me dédie l'un de ses sourires à peine esquissés, si rares qu'ils sont des trésors que je chéris de toute mon âme…
Allah, qui vais-je leurrer ? J'ai envie de lui ! Jamais je n'ai désiré personne autant que je désire Trowa.
Nous sommes seuls. Je le sais, la cellule est au fond d'un étroit couloir. Au bout de ce couloir se trouve le bureau des deux policiers de service aujourd'hui. Ils ne sont pas venus nous voir depuis ce qui me semble des heures ; peut-être ont-ils fini par nous oublier ? Et Duo qui a promis de nous délivrer le plus tôt possible ! J'ai confiance en lui ; de nous tous il est le plus débrouillard, celui qui retombe toujours sur ses pattes.
La main de Trowa sur la mienne, et nos doigts s'entrelacent… Je n'ai plus aucune raison de résister ! Je peux laisser mon corps se blottir contre le sien, poser ma tête sur son épaule, glisser mon bras autour de sa taille, et lui montrer combien je l'aime…
Je l'aime.
Et je ne le lui ai jamais dit.
Il faut vraiment que nous fassions tout à l'envers, de travers, jamais comme il faut !
Tendres baisers sur le haut de mon crâne… son étreinte se resserre… je resserre la mienne…
Attendu… si longtemps. L'heure est venue de goûter les fruits précieux du jardin de mon Aimé, et de laisser parler mes sens. Le guide de mes sens, de ma vie, de mon âme…
// … long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens. // [1]
Je lève mon visage vers le sien…
// visage, nuit étoilée où l'on devine l'aurore. // [2]
Je promène la pointe de ma langue sur mes lèvres entrouvertes, en une promesse de mille et une voluptés… Et se voile de désir le jade de ses prunelles.
De sa bouche j'approche la mienne…
// deux lèvres qui se joignent
au bout de la solitude…
Boisson que je boirai,
tout en sachant bien,
par sa vie,
qu'elle est au-dessus
des plaisirs. // [3]
Il est l'oasis de mon désert ! La source sacrée à laquelle mon âme vient s'abreuver !
A l'image de ma langue, mes mains à travers l'étoffe rugueuse savourent la grâce enchanteresse de ses membres déliés, de ses muscles puissants…
// un cou aussi beau que celui de la gazelle blanche,
délicat, lorsqu'il se dresse, et sans aucun ornement ; […]
des flancs délicats, souples comme une corde tressée ;
la jambe, un cep soutenu dans une terre irriguée // [4]
Jeune gazelle mâle en laquelle j'enchâsserai l'aiguillon de mon désir,
// un désir ardent qui n'a pas d'avant ni d'après. // [5]
Je lui offrirai la douce fraîcheur des jardins de Médine, la chaleur dorée des sables du désert, l'extase divine de la danse soufi…
// soleil qui éclaire
et croissant de lune,
et brassées d'étoiles
qui, dans sa nuit sombre,
étincellent en perles
et lancent des flèches de feu // [6]
Que mes mains descendent sur ses hanches,
// Ô hanches douces au toucher
où s'ouvre un tendre anneau plissé // [7]
que ses bras s'attachent à mon cou… Et mes doigts le saisissent, l'encerclent, se referment sur lui…
// Je L'ai étreint
de l'étreinte d'un assoiffé d'amour // [8]
Ses gémissements étouffés de baisers sont pur délice à mes oreilles. Je me laisse aller, succombe au rythme ensorcelant de ses caresses comme à son tour il me fait don des mêmes présents…
// Tiens, voici l'objet qui se dresse,
vois donc ses formes et son ampleur !
Lui seul éteint la soif ardente
Qui te consume à incendie. // [9]
Et bientôt… oui, bientôt
// à tes cuisses, ô mon espérance,
à toi, ô fraîcheur de mes yeux // [10]
tandis que je me meurs de ses baisers
// et des joyaux de nos caresses
dans l'écrin ouvert du plaisir !… // [11]
- Je t'aime ! hurle mon être tout entier, et plonge dans le gouffre des sensations infinies.
- Je t'aime… exhale-t-il en un dernier souffle au bord de mes lèvres.
Nous tombons. Enlacés. Epuisés. Heureux. Allah, puissé-je ne jamais être séparé de lui ! Sans lui, je ne suis rien…
// Tu es la richesse,
Tu es toute richesse,
face à mon indigence. // [12]
Il est le cœur de mon univers, mon amour, mon âme sœur…
// Tant que je vivrai, mon cœur ne cessera de t'aimer,
et mes cendres chercheront à rejoindre les tiennes. // [13]
* * *
Duo laissa ses camarades s'expliquer avec les deux policiers et parcourut en quelques souples enjambées le corridor qui menait à la cellule. Le spectacle qui l'y attendait le laissa cloué sur place. Quatre, à califourchon sur les genoux de Trowa, tous les deux haletants et… trempés de sueur ?
- Oh my God ! s'exclama-t-il en souriant comme un malade.
Le jeune couple sursauta au son de sa voix et deux regards, l'un bleu, l'autre vert, se posèrent sur lui. Incrédules. Stupéfaits. Et un peu embarrassés, aussi.
- Vous ne pouviez pas attendre de vous trouver une chambre, ou c'est juste pour le plaisir d'attenter à la pudeur ? reprit-il d'un petit ton narquois.
- Duo, tu n'as aucune pudeur, répondit Quatre d'une voix lointaine.
Le blond ne semblait pas vraiment décidé à délaisser la chaleur des bras de son compagnon comme ses doigts traçaient de longs cercles amoureux sur la poitrine de celui-ci.
- Je ne parlais pas de ma pudeur, mais de celle des deux autres, rétorqua Duo avec un clin d'œil.
- A propos, qu'est-ce qu'ils…
Les bruits d'une conversation animée à l'entrée du poste empêchèrent Quatre de terminer.
- Que font-ils ? intervint Trowa.
- Oh, Hee-chan et Fei Fei sont en train de discuter avec les flics, révéla Duo.
Un fracas se fit brusquement entendre et l'Américain se mit à fouiller dans son sac à dos.
- On dirait… un coup de poing ? s'étonna Quatre. Et… un direct du droit ! Avec lancer de chaise et… Duo !!
Trowa haussa les épaules en voyant l'ex-pilote de Deathscythe sortir de son sac un trousseau auquel pendaient des crochets de tailles diverses. Pourquoi perdre du temps à se poser des questions lorsqu'il s'agit de Duo Maxwell ? semblait-il penser.
- Je crois bien que nos amis ont choisi la méthode forte pour imposer leurs vues, commenta Duo. Mieux vaut ne pas s'attarder…
L'ancien gamin des rues n'avait perdu aucun de ses talents et crocheta la serrure en un tournemain. Ouvrant la porte en grand, il s'effaça pour laisser passer ses amis.
- Allez Bonnie et Clyde, on lève le camp ! annonça-t-il en guise d'invitation.
- J'ai la vague impression que nous sommes en train de devenir des hors-la-loi, murmura Quatre en passant devant lui.
- Besoin de vous laver ou de vous rafraîchir avant de partir ? lança-t-il malicieusement.
- Duo. La ferme, laissa tomber Trowa.
- Méfie-toi Tro-man, tu commences à parler comme mémé Chang !
- Si Wufei t'entendait, il te tuerait, remarqua le blond Arabe.
- Aucune chance qu'il y parvienne ! Je suis Shinigami, le dieu de la mort !!!
- Duo, un jour il faudra soigner cet ego démesuré qui est le tien.
Ils passèrent à toute vitesse devant le bureau dévasté, où les attendaient Heero et Wufei. Les deux agents de l'ordre gisaient à terre, inconscients, grâce aux bons soins des ex-pilotes 01 et 05. Tout le reste, mobilier, dossiers, plantes vertes, n'étaient que ruines…
Les cinq hommes regagnèrent en courant l'Espace garée sur le trottoir. Wufei et Heero s'installèrent à l'avant tandis que Duo, une fois de plus, ouvrait courtoisement la portière aux jeunes mariés en cavale.
- Bienvenue à bord de la Wuffie-mobile [14] ! plaisanta-t-il joyeusement.
- Maxwell, arrête de donner des surnoms débiles à ma voiture ! avertit Wufei en faisant vrombir le moteur.
L'Espace démarra en trombe pour la deuxième fois de la journée.
- Ce type… maugréa Heero, les dents serrées.
- Quoi ? demanda l'Américain en se penchant vers l'avant.
- Maxwell ! hurla Wufei en effectuant un écart qui les fit tous valser de gauche à droite. Yuy s'est fait regarder d'un sale œil par l'un des policiers.
- Faut dire… qu'avec le Spandex… balbutia Duo en étouffant un gloussement.
Quatre et Trowa, qui avaient trouvé le moyen de s'asseoir l'un sur l'autre, se penchèrent à leur tour.
- Heero ! Tu as toujours ton short en spandex ! s'exclama Quatre, accroché au cou de Trowa.
- Je ne vois pas ce qu'il y a de bizarre… commença le Japonais.
- Tu as l'air de sortir d'un film porno, décréta Trowa sans émotion particulière, ce qui ne fut pas le cas de tout le monde.
[1] Arthur Rimbaud, Correspondance, lettre du 15 mai 1871.
[2] Ibn Al-Mou'tazz, Chevelure.
[3] Ibn Al-Mou'tazz, Les prés verdoyants.
[4] Imrou'l-Qays, Sur le sable, l'empreinte de nos corps.
[5] Ibn Al-Ahnaf, Hors du temps.
[6] Oumayya Ibn Abi'l-Salt, Le Dieu qui nous créa.
[7] Abou'l Qasim Al-Tamimi, Voie lactée.
[8] Ibn Al-Dja'Bari, Nuit de joie.
[9] Bouhloul, Mon seul métier.
[10] Ibid.
[11] Abou'l Qasim Al-Tamimi, Fouet du désir.
[12] Dhou'l-Noun, Richesse.
[13] Djamil, Fidèle…
[14] Je crois que j'ai trouvé ça chez KnM… ^_^
Note : Les extraits de poèmes sont tirés de l'anthologie de René R. Khawam, La Poésie arabe.
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