Gundam Wing Fan Fiction ❯ Le serment des fleurs de chrysanthèmes ❯ One-Shot
par Erynna
Notes : Le titre est la traduction littérale d'une nouvelle de Ueda Akinari, "Le rendez-vous aux chrysanthèmes". Elle raconte l'histoire d'un lettré venant en aide à un guerrier gravement malade. Tous deux échangent un serment de fraternité et se promettent de se retrouver un an plus tard. Retenu au loin, le guerrier se donnera la mort pour honorer sa promesse et ce sera son fantôme qui sera présent au rendez-vous. En même temps, il désignera le nom du félon qui l'a trahi au lettré et ce dernier le vengera.
Cette histoire m'a toujours fait penser à Heero et Wufei, peut-être parce qu'ils reprennent le schéma guerrier / lettré qui leur va si bien. ^^
Heero fit grimper son vélo sur le trottoir et descendit la rue à vive allure. Ne prenant l'angle qu'au dernier moment, il effraya une jeune mère qui poussait un landau. Il ralentit légèrement et lança par-dessus son épaule un "sumimasen !" embarrassé, qui se perdit dans le vent de sa course. Les chaussées de certains quartiers de Kyôto étaient si engorgées de voitures qu'il était quasiment suicidaire pour les deux-roues de se déplacer ailleurs que sur les trottoirs.
De toute manière, se dit Heero, il était plus aisé d'éviter un peloton de piétons qu'une armada de semi-remorques fonçant sur vous à toute vitesse.
Passant sous les branches sombres d'un ginkgo, il posa un pied à terre et s'arrêta pour redresser la bretelle de son sac à dos. Son regard se posa alors sur la ville qui étendait ses immeubles et ses faubourgs devant lui.
Kyôto n'était pas très belle. L'ancienne capitale du Japon formait un groupe de constructions disparates qui s'élevaient au fin fond d'une petite vallée encaissée, coincée entre deux rivières. Même son climat ne figurait pas parmi les plus cléments, à plus forte raison lorsqu'on n'avait jamais connu que les faibles variations climatiques qui régulaient le temps sur les colonies. Heero ne cessait de s'étonner des étés humides et étouffants suivis par des hivers glacés. Cette alternance prodiguait néanmoins une nature verdoyante, dans laquelle venaient se perdre les temples les plus magnifiques du pays. Car Kyôto était restée un brillant foyer d'activité spirituelle et artistique dont le rayonnement n'avait pas faibli, malgré l'inexorable écoulement des siècles.
Les cours s'étaient terminés plus tôt que de coutume, mais il n'avait pas voulu s'attarder sur le campus de Kyôdai (1) et s'était excusé auprès de son groupe de travail. Devant la mine renfrognée de ses camarades, il avait eu de la peine à expliquer que travailler à la bibliothèque jusqu'à des heures indues le séduisait beaucoup moins lorsqu'il savait que Wufei l'attendait à la maison.
Roulant à une vitesse plus modérée, il aborda la rue paisible dans laquelle ils habitaient avant de stopper devant leur numéro.
C'était une minuscule demeure traditionnelle à l'aspect fragile de maison de poupée, et dont les murs semblaient aussi fins que des feuilles de papier. Une allée pavée menait du portail à l'entrée de la maison ; par-derrière, de larges baies vitrées ouvraient sur un jardin étonnamment bien entretenu.
L'intérieur était à l'image de ses occupants : austère et fonctionnel, il devenait accueillant pour qui savait déceler les petites marques de propriété laissées par les deux hommes. Ici, un rouleau de calligraphie peint par Wufei. Là, le désordre discret des livres de classe de Heero. Une étagère croulant sous les disques envoyés par Quatre, tant le blond était excédé par l'absence de goût musical de ses amis. Une corbeille de fleurs séchées offerte par Relena lors de sa dernière visite. Des photos et des cartes postales épinglées sur un des murs de la pièce qui leur servait de bureau, souvent accompagnées d'une note de Duo. Un lion en peluche qui se prélassait, solitaire, sur le fauteuil du salon...
Ayant rentré son vélo dans le garage, Heero ôta ses chaussures et traversa le vestibule à pas de loup.
Le jour n'était pas encore tombé, et il savait que Wufei profiterait de la lumière pour s'adonner jusqu'au bout à sa dernière activité préférée.
Le Chinois ne travaillait plus qu'à mi-temps chez les Preventers. Profitant de ses journées libres, il avait terminé ses études et avait été engagé comme traducteur dans une maison d'édition. Ils parlaient très peu du futur entre eux. Heero pouvait seulement supposer que Wufei abandonnerait un jour définitivement son activité à Priventa pour se consacrer à l'écriture.
La légère brise d'été, chaude et parfumée des senteurs du jardin, caressait son visage et soulevait ses mèches brunes. Wufei avait dû ouvrir les portes-fenêtres.
Il écarta sans bruit le panneau de bois qui servait de séparation entre les pièces et se glissa à travers l'interstice.
Assise en tailleur devant la petite table, la silhouette de Wufei ne broncha pas, signe que ce dernier n'était pas conscient d'une deuxième présence à proximité.
Un semblant de sourire au bord des lèvres, Heero contempla un instant celui qui était son amant depuis bientôt deux ans.
Un homme qu'il avait à peine croisé durant la première guerre.
Un homme qui avait tenté de le tuer pendant la seconde...
Quel couple étrange ils formaient, tous les deux. L'union improbable de deux êtres à la fois trop semblables et trop différents pour entrer dans le durable. Du moins, cela avait été l'avis de leurs amis. Passée la surprise de les savoir attirés l'un par l'autre, les arguments contraires avaient fusé de toutes parts.
Peut-être avaient-ils eu raison d'avoir voulu les dissuader de poursuivre leur liaison...
Peut-être étaient-ils si mal assortis qu'ils finiraient par se faire plus de mal que de bien...
Peut-être que leur bonheur se trouvait dans le cœur d'autres personnes.
Heero se demandait parfois ce qui serait advenu s'il avait accepté l'amour teinté d'admiration de Relena. Ou si l'amitié évidente qu'il existait entre Wufei et Sally avait évolué vers des sentiments moins platoniques.
Et puis, au fil du temps s'étaient tissés des liens toujours plus forts et plus intimes entre l'ex-pilote du Wing Zero et celui d'Altron... Lui-même ne parvenait pas à comprendre ce qui avait pu déclencher cette attirance qui avait manqué lui faire perdre la tête.
S'il devait mettre aujourd'hui des mots sur leur relation, peut-être la définirait-il comme la recherche de soi dans le mystère de l'autre.
Car s'il savait pouvoir compter sur la confiance et la compréhension de Wufei, son âme demeurait prise dans les zones d'ombre de son passé et de sa personnalité. Et à son tour, il souhaitait percer ces ténèbres si étrangement attirantes.
Il s'agenouilla à quatre pattes et avança vers sa cible, le regard fixé sur le dos droit de Wufei. Comme à son habitude, le lettré refusait de sacrifier ses légères tuniques de soie au yukata que les Japonais avaient coutume de porter à la maison. Heero était loin de s'en plaindre, tant le tissu moiré modelait ses couleurs et son éclat en suivant fidèlement les courbes du corps.
Avec grâce, Wufei plongea son pinceau dans le suzuri (2) avant de le reporter sur le papier. Comme pour tout ce qu'il faisait, le geste du jeune homme était empreint de sérieux et de dignité. En même temps, il y avait quelque chose de terriblement sexy à le voir travailler avec tant d'application. Du bout de la langue, Heero s'humecta les lèvres et continua sa progression.
- Tadaima (3), murmura-t-il une fois qu'il fut à quelques centimètres à peine de Wufei.
Ce dernier eut un léger frisson comme Heero collait sa bouche contre son oreille, son souffle venant effleurer sa joue.
- Okaeri (4), parvint-il cependant à répliquer d'un ton moqueur, et cela sans pour autant lâcher son pinceau lorsque les bras du brun vinrent enlacer sa taille. Tu rentres tôt.
Heero acquiesça silencieusement, ses lèvres traçant à présent un chemin humide sur la nuque de Wufei. Du nez, il repoussa la chevelure noire attachée en queue de cheval pour savourer plus encore la peau veloutée et bronzée, semblable à du caramel.
Abandonnant un instant ses baisers, Heero jeta un coup d'œil à l'ouvrage qui absorbait son amant.
Au début de l'été, Wufei avait décidé d'apprendre à peindre selon la technique du sumi-e (5). Heero s'était d'abord amusé de ce qu'il considérait comme une lubie chez le jeune homme, jusqu'à ce que ce dernier lui rétorque, avec tout le sérieux qui le caractérisait, que le sumi-e était un art proche de la méditation que lui-même pratiquait.
Cette technique millénaire, profondément ancrée dans la culture japonaise et pourtant originaire de Chine, présentait des sujets peints à l'encre noire diluée dans de l'eau. Ayant éliminé le superflu, le peintre s'attachait à ne représenter que l'essence de la Nature. De quelques traits à peine esquissés, il parvenait ainsi à rendre "vivants" les modèles les plus compliqués.
Wufei suivait ses manuels à la lettre, appliquant la méthode avec une obstination sans faille et une habileté qui ne demandait qu'à s'affirmer. Là où ses premiers traits avaient été tremblants et hésitants, ils se faisaient aujourd'hui plus énergiques et expressifs.
Il n'en était pour le moment qu'au shikunshi, "les quatre honorables gentilshommes" symbolisant les saisons et que l'on avait coutume d'utiliser pour acquérir les gestes de base. Il s'agissait de l'orchidée de Chine (printemps), du bambou (été), du chrysanthème (automne) et du prunier en fleur (hiver).
D'après ce que Heero pouvait voir, le Chinois en était au chrysanthème.
- On dirait un champignon, se moqua-t-il avant de frotter son nez contre l'omoplate de Wufei.
- Hé, tu es sensé m'encourager, dit ce dernier d'un ton faussement vexé.
Il tourna soudain la tête vers Heero. Lèvres entrouvertes, il réclama un baiser, et le brun s'empressa d'accéder à sa requête.
- Alors, combien en as-tu peints aujourd'hui ? s'enquit Heero contre sa bouche.
- Une dizaine, peut-être plus... murmura Wufei, les yeux mi-clos.
Ayant décidé que la récréation était terminée, le jeune homme se pencha à nouveau vers sa feuille. Heero, cependant, n'avait aucune envie de le lâcher.
- Tu n'as pas de devoirs à faire ? demanda Wufei, légèrement agacé.
- Pourquoi, je te déconcentre ? dit Heero alors que ses mains se frayaient un chemin sous la tunique de soie et venaient encercler une taille fine.
- Hm hm... J'ai besoin de toute ma concentration pour être capable de faire le vide (6), tu sais.
- Alors, essaye de ne pas te laisser distraire.
Après tout, Heero lui aussi avait le droit de s'adonner à son violon d'Ingres. Démonter une à une les barrières qui retenaient la libido de Wufei était devenu presque aussi excitant que l'acte lui-même.
- Heero, nooon...
L'interdiction se fit gémissement comme des doigts experts s'ingéniaient à trouver chacun de ses points faibles. Et, tandis que sa bouche suivait à nouveau la courbe d'une mâchoire et se perdait dans le grain satiné d'une gorge presque offerte, Heero se mit à défaire les boutons de la tunique.
Sur le papier de riz, la pointe du pinceau commença à étirer les bords tremblants d'une feuille, puis d'une autre...
Accompagnant les traits sombres du pinceau qui glissait sur la surface blanche du papier, Heero dégagea les épaules de son amant du léger tissu de la tunique, le haut de son corps venant se lover contre le dos à demi-dévoilé.
- Tu ne me laisseras pas finir cette fleur, n'est-ce pas... soupira Wufei.
Il trempa une nouvelle fois le pinceau dans l'encre noire et entreprit de dessiner un nouveau cœur de pétales. La respiration à présent haletante, il devait déployer des trésors de volonté pour ignorer l'érection naissante pressée contre le bas de son dos. Et plus il peignait, plus les caresses de Heero imitaient les mouvements de son pinceau...
A la pression que Wufei exerçait pour différencier les variations de tons répondait celle des mains de Heero sur ses hanches. Elles l'obligeaient à modifier peu à peu sa position et faisaient inexorablement glisser son corps contre le torse du Japonais.
Comme une longue tige sinueuse partait de la fleur pour s'étirer vers le bas, les doigts de Heero dégagèrent la chevelure d'un noir d'encre de l'élastique qui la retenait. Les cheveux semblèrent rouler comme des vagues sombres sur les épaules dénudées dans un bruit de soie froissée.
Finalement, il bascula en arrière, entraînant Wufei dans sa chute. Ce dernier parut refuser la lutte et se laissa faire. Peut-être était-il aussi désireux que lui de ce qui allait arriver, et ce malgré ses protestations du début.
Le pinceau roula sur le papier, maculant le dessin des fleurs de traînées noires et humides.
Wufei se retourna entre ses bras. A présent, Heero était allongé sur le sol recouvert de tatami (7), son ventre frottant contre celui de son amant. Et celui-ci le dévisageait de ses yeux noirs, semblables à des ténèbres brûlantes et indéchiffrables. Il se sentit soudain offert, vulnérable... Le sourire triomphant qui éclaira peu à peu le visage de son amant lui apprit que Wufei pensait de même.
Alors tu penses avoir gagné...
Fléchissant les genoux, il agrippa les avant-bras de Wufei et parvint à renverser la situation d'une seule poussée.
Wufei lâcha un grognement surpris lorsqu'il se sentit atterrir sur les fesses. Les manches de sa tunique glissèrent un peu plus le long de ses bras. Alors que Heero rampait entre ses jambes écartées d'un air de fauve, le Chinois défit les derniers boutons avant de se débarrasser de son vêtement. Ses bras se croisèrent sur sa poitrine comme Heero remontait lentement tout contre son corps, caressant ses cuisses, effleurant les os légèrement proéminents de ses hanches, massant sa taille puis ses côtes.
- Qu'est-ce que tu crois faire ? s'enquit Wufei, comme pour le défier de continuer.
- Je viens réclamer mon dû, répondit Heero une fois qu'il se retrouva nez à nez avec le Chinois.
Ses lèvres s'ourlèrent d'un sourire conquérant. Il inclina doucement la tête avant de fermer les yeux et de presser sa bouche contre celle de Wufei. Ce dernier demeura immobile, refusant de répondre à cette langue ferme et chaude qui tentait avec insistance de se glisser entre ses lèvres. Lorsqu'elles se descellèrent enfin, ce fut seulement pour laisser passer des mots plein d'ironie.
- Et depuis quand me considères-tu comme ton dû ?
Heero cligna des yeux, et se mit à sourire de plus belle.
- Quoi, personne ne t'a dit que tu m'appartenais ? dit-il, sachant fort bien que ses paroles allaient irriter plus encore le jeune homme.
Bingo... songea-t-il en voyant le visage de Wufei se plisser en une moue furieuse.
- Je... t'appartiens... comme un vulgaire tabouret, en somme ?!
- Hmm... réfléchit-il à voix haute. Le tabouret réagit beaucoup moins à ce que je peux lui faire, cependant.
Comme il s'y attendait, Wufei lui sauta à la gorge en poussant un cri de guerre.
Les deux hommes roulèrent sur les tatami, chacun cherchant à prendre l'avantage sur l'autre et à le plier sous sa force et sa volonté avec toute la férocité dont ils étaient capables.
Mais si Wufei excellait par son agilité et sa maîtrise des arts martiaux, Heero, lui, bénéficiait d'une puissance musculaire sans commune mesure. Très vite, le Chinois se retrouva à plat ventre, écrasé sous le poids du garçon aux yeux bleus. Il se débattit violemment, arquant son dos et jouant des épaules pour tenter de déloger Heero.
Peine perdue.
Heero avait réussi à le réduire à une masse de muscles frissonnante de rage et pourtant impuissante. Sa main droite maintenait les bras de Wufei dans son dos en une prise quasi indéfectible. Son autre main prenait appui sur le sol, tout près du visage du Chinois, mais cependant pas assez proche pour qu'il puisse le mordre - il s'amusa de voir ses mâchoires claquer un bref instant dans le vide. Assis au creux des hanches de son amant, il noua ses chevilles contre l'intérieur des cuisses de Wufei, l'obligeant à écarter les jambes. Une fois satisfait, Heero se pencha vers la nuque de sa proie et se mit à renifler l'odeur délicieusement âpre et masculine de sa peau comme si un instinct possessif, animal, presque primitif l'avait saisi. C'était peut-être le cas d'ailleurs et Wufei, humilié de se retrouver sans défense, laissa échapper un nouveau hurlement de fureur.
C'était cela qu'il aimait chez Wufei : ce défi constant, ce mélange complexe de rage et d'élégance, d'intelligence raffinée et de force presque bestiale. Avec lui, rien n'était jamais acquis d'avance. Tout - ou presque - était l'affaire de ce jeu de domination qui l'agaçait et l'excitait à la fois.
Certes, il leur arrivait parfois de faire l'amour tendrement, d'agir l'un envers l'autre comme s'il tenait entre ses bras la chose la plus douce et la plus fragile au monde, ce qu'aucun d'eux n'était en vérité. Ces moments-là appartenaient très souvent à Wufei, lorsque ce dernier savait qu'il n'aurait pas à lutter pour soumettre son amant. Il prenait alors Heero avec une lenteur et une passion parfaitement étudiées, yeux mi-clos et bouche entrouverte sur un soupir qui se transformerait peu à peu en cri d'extase. Il allait et venait entre ses reins, chacun de ses coups visant et atteignant la prostate de son amant qui se tordait de plaisir dans son étreinte.
D'autres jours, tous deux ressentaient le désir de se laisser aller à une union plus violente et brutale. C'était comme de laisser libre cours aux instincts les plus profonds qui les habitaient. Quelque chose en eux éclatait brusquement et un barrage quelconque s'ouvrait sous la pression de l'envie, du désir, du besoin qu'ils avaient l'un de l'autre.
Et sous la violence se dévoilait la confiance que chacun avait en la force de l'autre. C'était un accord tacite, la connaissance d'une limite à ne pas franchir, la certitude qu'ils pouvaient libérer leurs pulsions sans crainte de blesser l'autre.
- Alors, tu vois bien que tu es à moi, reprit Heero en riant.
Un chapelet d'injures lui répondit et Wufei lutta plus férocement encore. Décidément, il suffisait au Chinois de piquer un coup de colère pour oublier ses bonnes manières. Le voir changer du tout au tout, victime de ses émotions, était un sujet de fascination sans fin pour Heero, qui était plus calme et réfléchi dans ses sentiments. Wufei, lui, se laissait totalement guider par ce qu'il ressentait sur le moment jusqu'à en être submergé, passant du calme à la tempête en un claquement de doigts. Durant la guerre, le pilote 05 avait appris à se donner un semblant de contrôle pour dissimuler son handicap car O, son mentor, avait refusé de gaspiller ses dons de pilote et ses capacités au combat. Aussi avait-il enseigné au jeune garçon les méthodes de méditation et de maîtrise de soi que ce dernier continuerait de pratiquer après le retour de la paix. Pourtant, il était arrivé parfois que le masque se fissure et laisse émerger à la surface ses psychoses maniaco-dépressives liées à la mort de sa femme. Curieusement, le premier à avoir expérimenté les humeurs cyclothymiques du cinquième membre de leur équipe avait été Trowa, juste après sa première défaite contre Treize Khushrenada.
Heero savait qu'il était loin d'être la personne la plus capable de gérer les émotions sans cesse changeantes de son amant, mais il n'aurait changé sa place pour rien au monde. Sans doute Sally aurait-elle apporté à Wufei cette stabilité dont il manquait cruellement. Peut-être qu'elle aurait pu le comprendre et l'aider mieux que Heero ne le faisait.
Malgré tout, il restait auprès de Wufei. Par simple souci d'égoïsme, se disait-il parfois. Personne mieux que le garçon aux cheveux noirs ne pouvait calmer ses peurs au cœur de la nuit, lorsque les cauchemars se faisaient plus difformes, grimaçants et accusateurs que jamais. La frêle Relena, malgré toute la bonne volonté du monde, aurait-elle été capable de contenir ses rares mais spectaculaires accès de violence ? De démêler l'informe magma d'émotions qui se cachait derrière ses apparences de froideur ? De comprendre l'immense culpabilité qui n'en finirait jamais de le consumer à petit feu ?
Oui, Heero faisait preuve d'égoïsme en gardant Wufei à ses côtés. En même temps, il se moquait éperdument d'avoir tort ou raison et de ressembler à un gamin capricieux.
Il desserra progressivement sa prise sur les poignets de Wufei, mais surprit ce dernier en posant sa joue contre son omoplate et en murmurant d'un ton bizarrement triste :
- Tu es à moi...
Wufei cessa aussitôt ses tentatives pour se libérer et se tordit vainement le cou, espérant capter l'expression qu'affichait le visage du brun. L'autre se détendit soudain et s'allongea presque entièrement sur le Chinois. Sa nouvelle position amena son érection contre le bas du dos de son amant, le tissu rêche de son jean venant creuser entre les fesses de Wufei la fine soie du pantalon qu'il portait. Tous deux poussèrent le même soupir.
Le moment s'étira dans le brusque silence du bureau. Leurs deux respirations se mêlaient au bruissement des arbres dans le jardin et au chant tardif des oiseaux.
- Heero... appela Wufei après quelques minutes. Heero... ça va ?
Le Japonais ouvrit les paupières et releva la tête. Son regard croisa les yeux en amande de son amant à demi-tourné vers lui. Inquiétude et désir luttaient sur le visage du Chinois, se disputant le monopole de ces traits adamantins. Lentement, il se redressa, puis tendit une main vers Wufei qui la prit dans la sienne et le suivit dans son mouvement.
- J'ai envie de toi, chuchota-t-il en le prenant dans ses bras, heureux de ne plus rencontrer de résistance.
Il guida le corps de Wufei contre le sien, l'incita à s'asseoir face à lui pour enrouler les jambes du Chinois autour de sa taille et satisfaire son besoin presque désespéré de contact avec l'autre. Et à mesure que la chaleur qui se dégageait de son amant l'enveloppait, le sentiment d'abandon et de solitude s'estompa... Lui qui n'avait jamais rien eu, ni famille, ni patrie, ni même une identité autre que celle de pilote de Gundam, il pouvait enfin serrer contre lui l'unique possession qui comptait à ses yeux... cet amour qui ne voulait pas dire son nom.
- Moi aussi, répondit Wufei de sa voix rauque et voluptueuse.
Ses paupières se baissèrent comme le visage de Heero s'approchait du sien. Bouche contre bouche, ils s'allongèrent à nouveau sur les tatami ; la seule différence, cette fois, était que ce fut Wufei qui attira son amant vers lui.
Heero mit dans son baiser toute l'intensité de la faim qu'il ressentait, allant jusqu'à mordre la lèvre inférieure de son amant. Il effleura de sa langue la minuscule plaie pour recueillir la goutte de sang qui y perlait.
Leurs lèvres se séparèrent. Les deux hommes se contemplèrent les yeux dans les yeux, une expression d'égal défi s'affrontant sur leurs visages. Les jambes de Wufei accrurent leur pression autour de la taille du brun, leurs hanches se mouvant selon le même rythme. La friction entre leurs sexes augmentait de seconde en seconde, priant pour une libération.
Les mains de Wufei tirèrent soudain sur son t-shirt pour le dégager de son pantalon, et Heero prit conscience qu'il était beaucoup trop habillé. Un grondement ressemblant à s'y méprendre à un rire désabusé monta de sa gorge, et il se redressa pour permettre à Wufei d'achever sa tâche. Il finit par déboutonner lui-même son jean puis se mit debout afin de s'en débarrasser avec plus de facilité. Le jean atterrit dans un coin de la pièce, à côté de son t-shirt.
Wufei était étendu à ses pieds, attentif, presque souriant, sa chevelure sombre étalée autour de lui comme une auréole. Déjà il défaisait la fine cordelette qui retenait son pantalon avec une lenteur que Heero avait pris pour de la timidité lors de leur première fois, mais qui n'était en réalité qu'une manière de plus de l'allumer. Les hanches du jeune homme se décollèrent brièvement du sol comme Wufei passait ses pouces sous la taille de son pantalon. Doucement, il fit glisser le tissu de soie le long de ses hanches, ses yeux fixés sur le Japonais qui le dominait et regardait d'un air fasciné ses muscles abdominaux rouler sous sa peau de bronze. Il fléchit les jambes pour ôter entièrement le vêtement avant de l'envoyer loin de lui, dévoilant sa nudité au regard affamé de Heero.
- Pas de sous-vêtement ? demanda ce dernier en se laissant tomber à genoux au-dessus de Wufei.
Ce n'était pas que la réponse l'intéressât le moins du monde, mais il avait envie d'en faire la remarque, juste pour entendre la voix du Chinois.
- Trop chaud... répliqua Wufei, s'attirant un rire incrédule de la part de Heero.
Ses bras vinrent se nouer autour du cou du Japonais, parodiant le mouvement de ses jambes qui retrouvèrent leur place contre les hanches du brun et savourant la force de ce corps qui s'allongeait sur le sien. Ils s'embrassèrent encore et encore, laissant échapper à intervalles réguliers un souffle agréablement surpris lorsque leurs peaux nues et brûlantes se frôlaient en un contact électrique.
Sans trop savoir comment, Heero se retrouva sur le dos. Wufei était penché sur lui, ses longs cheveux noirs retombant autour de son visage. Il rampa le long de son corps, toujours souriant. Ses mains suivirent les lignes musculeuses de ses bras et de ses hanches puis remontèrent vers sa poitrine. Heero le laissait faire, mi-amusé, mi-curieux. Il ne put s'empêcher de retenir son souffle lorsque la tête de son amant parvint à hauteur de son entrejambe. L'attente se prolongea telle une abominable torture. Heero pouvait deviner derrière le sourire de Wufei que ce dernier appréciait tout particulièrement de le tenir en son pouvoir.
Wufei pencha la tête d'un côté, se demandant peut-être s'il allait accéder aux désirs de Heero ou l'abandonner à sa souffrance. Quelque part, c'était un jeu cruel que jouait le Chinois, comme s'il testait la résistance et la patience du brun. Et Heero ne pouvait que se plier à la volonté de son bourreau, sachant fort bien que plus tard, il aurait droit à sa revanche.
Déglutissant avec difficulté, il fixait les lèvres de Wufei, attendant qu'elles s'entrouvrent et viennent prendre son sexe, si tendu qu'il en devenait douloureux...
- Aaah...
Ce fut à peine un cri, à mi-chemin entre un gémissement étouffé et une exhalaison tandis que la bouche de son amant se refermait sur lui en un étroit fourreau, brûlant et humide. Heero se redressa sur ses coudes pour mieux l'observer. La délectation qu'il éprouvait à voir le sévère lettré s'adonner à une activité si débauchée était au moins égale au plaisir qui peu à peu menaçait de l'engloutir tout entier. Les doigts de Wufei remontèrent sur son bassin et caressèrent sa peau légèrement plus mate que celle du Chinois. Ils parcoururent chacune des incurvations de son abdomen, retraçant pour la millième fois les courbes de ces muscles qu'ils connaissaient par cœur, avant de reprendre leur ascension. Heero se cambra lorsque Wufei trouva enfin ses mamelons... et toujours cette bouche qui n'en finissait pas d'aller et venir sur son sexe, accentuant parfois son rythme avant de reprendre avec plus de lenteur qu'auparavant, resserrant son étau, puis s'ouvrant jusqu'à devenir à peine plus qu'un simple effleurement... construisant un plaisir sans fin dans le corps du Japonais.
Ce dernier se laissa aller contre le sol. Ses mains vinrent se glisser dans les mèches noires de son amant, le forçant à accélérer la cadence, le suppliant de lui procurer cette libération à laquelle il aspirait de plus en plus.
Un grondement de frustration s'échappa de sa gorge alors que Wufei relevait la tête, stoppant net ses caresses. Les yeux toujours clos, Heero le sentit s'éloigner avant de grimper à nouveau sur lui quelques secondes plus tard, puis se positionner à califourchon au-dessus de lui. Des mains étonnamment fraîches se posèrent sur ses joues.
- Heero.
- Mmh... soupira-t-il, de peur que les mots ne le trahissent.
- Regarde-moi, murmura Wufei. Je veux que tu me regardes pendant que tu me prépares. Je veux que tu sois avec moi.
Heero battit des paupières. Comme il tournait la tête vers la droite, il aperçut le tube de lubrifiant que Wufei venait de récupérer dans l'un des tiroirs de sa table de travail. Dieu seul savait quelle intuition avait poussé le jeune homme à le garder là. Il tendit la main pour l'attraper et se mit à le dévisser tout en reportant son regard sur Wufei. L'autre avait reprit ses caresses, massant son torse, effleurant ses seins et traçant les multiples sillons creusés par ses cicatrices. Ses doigts se crispèrent brusquement sur le tube lorsque Wufei atteignit la large ligne blanche qui ornait son flanc gauche.
Il détestait ces marques qui le défiguraient et lui rappelaient la créature souillée et sans pitié qui avait vécu tant de batailles, causé tant de morts. Les autres aussi portaient leur lot de souvenirs et de blessures. Celles de Quatre demeuraient d'imperceptibles défauts dans le grain de sa peau. Trowa cachaient les siennes sous ses cols roulés pendant l'hiver et de longues chemises l'été. Duo, lui, exhibait ses cicatrices comme autant de trophées de guerre et signes de ses glorieuses victoires.
Quant à Wufei...
Il n'y avait qu'un mot pour le décrire.
Harmonieux.
Et ses anciennes blessures ne faisaient qu'accroître ce sentiment au lieu de le flétrir.
- Tu n'as pas à avoir honte, tu sais, murmura soudain la voix de Wufei à son oreille, et Heero se demanda distraitement si son amant avait appris à lire ses pensées.
Le jeune Asiatique posa un doigt sur ses lèvres quand il voulut répliquer.
- Elles font de toi ce que tu es aujourd'hui. Elles symbolisent toutes ces choses qui m'ont poussé vers toi, dit Wufei en reprenant ses caresses. D'une certaine façon, elles sont ce qui nous a toujours unis, tu ne crois pas ?
- Tu parles de "Mariemeia" ? souffla Heero, essayant tant bien que mal de suivre le fil des pensées de son amant.
- Ça... avant... et après... répondit Wufei, ponctuant chacun de ses mots d'un coup de langue sur ses cicatrices. Prépare-moi, maintenant...
Et il s'allongea sur Heero, sa tête reposant au creux de son cou et ses jambes repliées de chaque côté du brun. Son sexe frottait à présent contre le ventre de Heero, cherchant désespérément un semblant de friction tandis que ses hanches bougeaient en de petits mouvements circulaires. D'une main sur ses reins Heero l'obligea à remonter un peu plus, et leurs visages se retrouvèrent à quelques millimètres à peine l'un de l'autre.
Sans chercher à fuir ces yeux noirs, presque fiévreux, qui semblaient vouloir le dévorer, il pressa le contenu du lubrifiant et déposa une noix de pommade sur ses doigts.
En silence, il s'excusa de la peine à venir.
Ses doigts trouvèrent le chemin bien connu entre les fesses de son amant, et se mirent à étirer son anus avec douceur et application, déposant la crème en son pourtour et à l'intérieur. La main de Wufei, elle aussi graissée de lubrifiant, se glissa entre leurs deux corps à la recherche du membre dressé du Japonais.
Attentif, Heero écoutait la respiration à présent erratique du Chinois. De sa main libre il releva la mâchoire du garçon avant de joindre ses lèvres aux siennes en un tendre baiser.
- Heero... main... maintenant... s'il te plaît... le supplia Wufei lorsque leurs bouches se séparèrent.
Les deux hommes changèrent sensiblement de position, optant pour la plus confortable possible. Wufei, à cheval au-dessus de son amant, saisit l'érection de ce dernier. Avec précaution, il la guida vers son orifice tandis que son front se plissait de concentration.
Paupières closes, Heero serra les dents lorsqu'il sentit son sexe passer lentement l'anneau de muscles, étroit à l'en rendre fou. Une brève et fugitive pensée lui souffla qu'il n'avait pas suffisamment préparé Wufei et il ouvrit les yeux en entendant le gémissement étranglé du lettré. Le Japonais se mit à masser les flancs du jeune homme, espérant adoucir cette épreuve indispensable à leur extase future. Enfin, Heero éprouva pleinement la torturante chaleur de son amant profondément empalé sur lui. Immobile, il rassembla la moindre parcelle de volonté qui lui restait pour permettre à Wufei de s'habituer à l'intrusion. Celui-ci s'était penché vers lui, et avait posé ses mains sur les tatami près du visage de Heero. Ses yeux clos, ses sourcils froncés et la fine pellicule de sueur qui maculait son visage et ses épaules traduisaient la difficulté qu'il avait à s'ajuster.
- Ne... bouge pas... pas encore... hésita-t-il, butant sur chaque mot.
- Je ne bouge pas, je ne bouge pas, répéta Heero tout en continuant ses caresses apaisantes sur les reins du Chinois, partagé entre l'inquiétude et l'excitation.
Il ne voulait qu'une chose : renverser leurs positions pour pénétrer son amant plus aisément, plus profondément... le prier de prendre les choses en main et lui laisser la possibilité de transformer la souffrance en plaisir, tant pour l'un que pour l'autre. Mais Wufei avait décidé de leur position et de la manière dont leur union serait conduite. Heero savait qu'il n'avait aucun droit d'empiéter sur les décisions de son amant, si absurdes soient-elles.
Au bout d'un moment, il sentit Wufei commencer à bouger au-dessus de lui, relevant les hanches avec hésitation puis s'abaissant à nouveau, instaurant peu à peu une cadence régulière entre ses va-et-vient. Heero l'attira alors tout contre lui. Il embrassa sa bouche avec une passion sans cesse renouvelée et s'égara sur le contour de sa mâchoire, alors que lui-même soulevait son bassin à la rencontre de son amant, d'abord timidement, puis avec plus de fermeté comme l'autre homme l'accueillait volontiers.
Accroché aux épaules de Heero, Wufei mordillait sa lèvre inférieure, savourant avec délice chaque coup de rein. En même temps, les ongles du Japonais labouraient la chair de son dos, mêlant à son plaisir la pointe acide des picotements qu'ils engendraient. Et toujours plus vite, toujours plus fort, les deux amants s'unissaient en une danse dont ils connaissaient tous les pas, jusqu'au moindre tempo et la plus intime mélodie...
Fasciné, Heero contemplait le visage de Wufei s'altérer sous les vagues sensuelles et voluptueuses qui l'assaillaient, à la fois content et fier de cette expression au bord de l'orgasme qui se lisait sur le Chinois et qui était son fait. Lorsqu'il sentit que Wufei et lui ne tiendraient plus très longtemps, il saisit l'érection de son amant et la fit coulisser entre ses doigts, suivant le rythme de plus en plus cinglant et effréné de leur union. Ses genoux se replièrent légèrement et il modifia l'angle de pénétration. Non sans satisfaction, il entendit les gémissements de son amant gagner en intensité comme son sexe cognait plus sûrement contre la prostate du garçon aux yeux noirs.
Brusquement, Wufei se raidit dans son étreinte. Un ultime cri d'extase monta de sa gorge avant que sa semence ne se répande sur la main caressante de son amant. Heero sentit le liquide s'étendre sur leurs estomacs, et cela lui suffit pour atteindre l'orgasme à son tour. D'un dernier coup de boutoir, il se libéra dans les entrailles de Wufei.
Il demeurèrent longtemps enlacés sur les tatami, Wufei face à Heero qui le berçait doucement dans ses bras, à moitié conscient de la nuit qui enveloppait à présent le calme quartier de Kyoto. Son sexe était toujours prisonnier de son amant. Il pulsait de temps à autre, en proie aux spasmes post-orgasmiques habituels. Heero se dit qu'il aimait cette manière qu'avait Wufei de le retenir en lui bien après qu'ils eussent fait l'amour. C'était à la fois doux, humide et tiède... totalement rassurant.
La respiration de Wufei était redevenue normale, si calme et régulière que Heero suspectait le jeune homme de s'être endormi. Lui-même se sentait de plus en plus glisser vers les ténèbres paisibles du sommeil, lorsqu'une voix s'éleva dans la pénombre silencieuse.
- Pourquoi restes-tu avec moi ?
- Pourquoi pas ? répliqua Heero avec un brin de malice qui cachait mal son désarroi.
- Ne joue pas les sales mômes avec moi, Yuy, reprocha Wufei. Je veux savoir pourquoi tu es toujours là au bout de deux ans. Tu pourrais être avec n'importe qui d'autre, il te suffit de lever les yeux et de choisir. Malgré toutes ses bonnes paroles, Relena crève d'envie de voir le jour où tu viendras vers elle en lui disant que tu l'aimes.
Et Sally rêve de la même chose avec toi... songea Heero. Il préféra garder le silence, ne voulant pas dévoiler une vérité à laquelle la jeune femme elle-même refusait de faire face.
- Elle serait beaucoup mieux... pour toi... ajouta Wufei d'une voix si basse que Heero dut presque deviner ses paroles. Moi... je n'ai plus rien pour moi.
- Ne dis pas ça, protesta le brun en resserrant son étreinte, troublé d'entendre dans la voix de son amant ses propres incertitudes.
Ses doigts se perdirent dans les vagues de cheveux noirs qui se mouvaient sur sa poitrine au rythme de ses inspirations.
- Tu veux que je te dise ? reprit-il tout doucement. J'ai besoin de toi. Tu as toujours été ce dont j'ai jamais eu besoin. Comment dire...
Il fronça les sourcils, le manque de mots le frustrant plus que d'habitude.
- Tu es l'univers qui me contient, tu comprends ? finit-il par avouer, espérant que la métaphore traduirait ses sentiments. Tu fixes les limites qui font de moi un homme comme les autres, et en même temps tu élargis mes rêves... Ah, je n'arrive pas à dire ça de manière claire...
Il poussait un grognement de désespoir quand Wufei se mit à caresser sa joue. Un doux sourire étirait ses lèvres dans l'obscurité.
- Shhh... je comprends, dit-il simplement.
Puis il ajouta tout bas :
- Je t'aime aussi.
Et, tandis que les deux amants échangeaient une dernière fois des mots tendres et maladroits, la brise nocturne vint déranger les feuillets étalés sur la petite table. Elle révéla des dizaines de peintures de chrysanthèmes, uniques témoins des serments d'amour que se chuchotaient deux voix endormies.
~Fin~
(1) Abréviation pour l'université de Kyôto
(2) Dans la technique du sumi-e, peinture orientale, le suzuri, qui signifie "pierre à encre", est une sorte de godet rectangulaire dans lequel on met un peu d'eau, et on y racle un pain d'encre de Chine afin d'obtenir de l'encre liquide.
(3) Jp. "Je suis de retour".
(4) Jp. "Bienvenue".
(5) Sumi-e : "encre noire" (sumi) et "peinture" (e).
(6) Certains pratiquants du sumi-e affirment que cet art s'apparente au Zen. Cette branche du Bouddhisme a pour but la cessation de la souffrance par le biais de la méditation.
(7) En principe, les tatami ne recouvrent que le sol de la "pièce honorable", où sont reçus les invités de marque, et les chambres. Mais bon, on va dire que ce bureau est une pièce intime et très spéciale. ^^