Gundam Wing Fan Fiction ❯ Prince de mes rêves ❯ Chapter 2
Prince de mes rêves
par Erynna
2. Celui qui survivait au lendemain
Cela faisait bien longtemps qu'il ne s'était pas éveillé au son d'un autre cœur battant près de son oreille. Un son régulier, rassurant, enivrant, un rien nostalgique... car il lui rappelait tous ces matins à jamais disparus où celui qu'il tenait dans ses bras portait le nom du grand amour.
Son nez plongea au creux du cou du jeune homme et il ferma les yeux. Au-delà de la fumée de cigarette, de l'alcool et de la transpiration, il décela l'odeur encore vivace de vanille qui semblait s'accrocher à la chevelure sombre étalée sur l'oreiller. Ses jambes, enroulées à celles de son compagnon, remuèrent légèrement, le faisant soupirer tandis qu'il sentait contre lui cette peau nue, si chaude et si douce... Et malgré tout, le geste n'avait rien de sexuel. Enfin, presque rien. C'était plus comme la brise de printemps chargée des parfums d'herbe, de soleil et de fleurs. Quelque chose qui vous invitait à savourer une joie de vivre longtemps perdue et finalement retrouvée.
Heero se dit qu'il pourrait fort bien s'habituer à ces réveils. Il savait que c'était idiot, et que la nuit qu'il venait de passer n'était qu'une aventure sans lendemain.
Et pourtant, ce pourrait être lui mon prince...
Il eut un de ces petits sourires tordus qui paraissaient être sa marque de fabrique. Merci maman, pour m'avoir rempli la tête de contes de fées absurdes, eut-il envie de dire.
Les coups de foudre dans des clubs assourdissants, enfumés et mal éclairés était une chose qui n'existait pas en ce triste monde. "Celui dont il était interdit de prononcer le nom en sa présence" avait pris un malin plaisir à le lui démontrer de la manière la plus cruelle qui fût. Tout ce qu'il pouvait faire à présent, c'était de profiter du moment en évitant de penser aux désastres passés ou ceux qui étaient à venir.
Un regret le saisit lorsqu'il se dégagea de l'agréable étreinte et roula sur le côté. Se redressant sur un coude, il se mit à étudier le jeune homme qui semblait l'avoir suivi dans son mouvement et dormait à présent tourné vers lui.
Oui, il imaginait tout à fait cette scène se répéter chaque matin. Jusqu'à la fin de ses jours, pourquoi pas. Ouvrir les yeux et être accueilli par la vue de ce visage aux traits fins et peut-être un peu mélancoliques... Ses sourcils se froncèrent. Le jeune homme avait-il des remords ou bien Heero l'avait-il blessé sans le vouloir ?
Plutôt mourir que de lui faire du mal.
Ah... d'où venait cette pensée ? On disait ce genre de chose lorsqu'on était soi-même éperdu d'amour...
Pas pour une stupide affaire de sexe.
Il grimaça alors même que les mots se formaient dans son esprit. L'expression ne s'accordait tout simplement pas à ce qu'il venait de vivre. Et surtout pas à ce qu'il ressentait en contemplant le garçon à ses côtés. Cette angoisse à la fois douloureuse et sensuelle, cette extase mêlée de doute, si profonde, si intense qu'elle en est presque insupportable et qu'on ne peut s'empêcher de redouter, mais sans laquelle la vie paraît si peu digne d'être vécue...
De longs cils sombres battirent comme le jeune homme s'arrachait aux griffes du sommeil. Heero sentit son cœur se serrer lorsque se posèrent sur lui des yeux si noirs qu'ils avaient l'air d'absorber le monde.
- Bonjour, murmura-t-il dans la pénombre entrecoupée de rayons d'or.
Le garçon cligna des paupières.
- Bonjour, répondit-il après ce qui parut à Heero une éternité. Où est la salle de bains ?
* * *
- Ouaaah...
Lucrezia ne daigna pas même étouffer son bâillement. Elle écrasa une larme de fatigue, se frotta les yeux, remonta la manche de son peignoir qui ne cessait de glisser sur son épaule et se cogna le genou au coin de la table basse en voulant atteindre le canapé.
- Aïe aïe aïe ! gémit-elle en agrippant sa jambe meurtrie.
En un ultime effort, elle tendit le bras à la recherche de la télécommande et alluma le téléviseur. Un pseudo cow-boy qui aurait gagné sa place à la maison de retraite apparut à l'écran.
- Je déteste les dimanches après-midi.
La chaîne suivante montrait un téléfilm quelconque dont l'histoire était aussi soporifique que le jeu de ses interprètes.
- Je déteste les dimanches après-midi !
Autre chaîne. Documentaire animalier.
- JE DETESTE LES DIMANCHES APRES-MIDI !
La porte de la chambre de son frère s'ouvrit brusquement. Sous le regard médusé de Lucrezia, une petite silhouette qui n'était certainement pas celle de Heero traversa le salon sur la pointe des pieds.
- Salut, fit-elle, une fois revenue de sa surprise.
Le garçon s'arrêta et écarta les mèches d'ébène qui dissimulaient son visage. Il marmonna un vague "Que fait cette onna dans le salon ?" puis reprit sa progression et s'enferma dans la salle de bains.
Le visage de Lucrezia se para d'un sourire narquois.
- J'aime les dimanches après-midi.
Oubliant la douleur lancinante dans son genou et l'horrible teinte mi-violacée, mi-verdâtre qu'il prenait, elle s'empara du téléphone.
// ... Mmmmh... //
- Qua-chan, réveille-toi ! chantonna-t-elle. Le soleil brille, les oiseaux chantent...
// Rien à battre... //
- Heero n'a pas passé la nuit tout seul...
Un clic. Claquement d'une porte de l'autre côté du palier.
Bruits de pas.
Quelques secondes plus tard, Quatre faisait son entrée dans l'appartement, échevelé mais radieux. Il était vêtu d'une paire de shorts et d'un T-shirt bien trop grand pour être le sien.
- Alors, où est l'objet du délit ? demanda-t-il en trottinant vers la cuisine.
- Dans la salle de bains.
- Avec Heero ?
- Nan, Sa Majesté est encore sous la couette.
Le blond revint dans le salon avec une moue boudeuse.
- Lu, ton frigo est vide.
- Peut-être parce que certaines personnes n'arrêtent pas de le piller...
Quatre lorgna la bouteille de lait qu'il avait à la main d'un air faussement coupable.
- Lu, je t'ai déjà dit que je t'aimais ?
- Tous les matins lorsque toi et ton homme venez prendre votre petit déjeuner chez moi. Sans parler des repas de midi et du soir. Un jour, il faudra penser à intervertir les rôles. Je sais que tu peux cuisiner, Quat.
- Tu sais aussi que notre appart est minuscule, Lu... protesta Quatre en s'installant confortablement dans un fauteuil. Le tien est si grand, si... propre !
- Rends grâce à Heero et son obsession du nettoyage.
- Amen, conclut le jeune homme en roulant des yeux.
La porte d'entrée s'ouvrit à nouveau, laissant passer la silhouette dégingandée de Trowa. Sans un mot, il alla à son tour dans la cuisine et, plus chanceux que son amant, réapparut avec un croissant.
- Où l'as-tu trouvé ? s'exclama Quatre en bondissant sur lui.
- Troisième placard en haut à droite, répondit Trowa entre deux bouchées.
Le petit blond fila comme une flèche, abandonnant la bouteille de lait qui, à présent vide, tomba par terre.
- Heero va encore râler, marmonna Lucrezia sans pour autant la ramasser.
- Faudrait la jeter avant qu'il ne la voie, acquiesça Trowa, juché sur l'accoudoir du fauteuil.
- Tro ?
- Mmh ?
- Ramasse-la.
- A toi l'honneur.
- Tro, c'est toi qui es le plus près.
- Plus maintenant, répliqua le brun en shootant dans la bouteille, qui roula aux pieds de Lucrezia.
- Je te hais, déclara-t-elle, une lueur assassine dans les yeux.
Elle donna à son tour un coup de pied dans l'emballage. Celui-ci finit sa course sous le canapé.
- Eh bien, voilà qui règle la question, murmura-t-elle d'un ton pensif.
- Lu !! Tes placards débordent de nourriture ! s'écria Quatre, toujours occupé à fouiller la cuisine de fond en comble.
- Plus pour longtemps, hélas... gémit-elle en se prenant la tête dans les mains.
De son côté, Trowa venait d'avaler le dernier morceau de son croissant et secouait les miettes éparpillées sur sa chemise.
- Tu l'as vu ? demanda-t-il soudain. Lucrezia leva vers lui un regard morne.
- Qui ? Oh... réalisa-t-elle.
- A quoi ressemble-t-il ?
- Pas très grand, mince, cheveux noirs... Attends, je croyais que toi et Quat étiez avec Heero hier soir ?
- On l'a perdu de vue.
- Trooo... vous étiez sensés lui redonner le moral, pas l'abandonner à son triste sort ! reprocha-t-elle.
Trowa haussa les épaules.
- Materner ton frangin commence à devenir lassant.
- Je sais, soupira-t-elle, mais vous auriez pu faire un effort.
- Heero n'est peut-être pas la personne la plus responsable que je connaisse, mais c'est un adulte, dit Quatre en revenant dans la pièce, les bras chargés de paquets de biscuits. Par ailleurs, je trouve qu'il s'est plutôt bien débrouillé.
Le blond poussa son petit ami d'un coup de hanche, le faisant atterrir dans le fauteuil, puis grimpa sur ses genoux.
- Là, tu marques un point, reconnut Lucrezia avec un sourire. Je ne me serais jamais doutée qu'il serait capable de ramener un inconnu à la maison et de passer la nuit avec... C'est loin de lui ressembler...
- Oh, mais je ne parle pas de ça. Du moins, pas seulement. Regardez l'heure.
La pendule au-dessus de la bibliothèque qui portait plus de bibelots que de livres indiquait 14:07.
- Et alors ?
- Et alors ? répéta Quatre de son ton "vous ne comprenez toujours pas où je veux en venir ?". L'heure fatidique de midi est passée et notre ami inconnu est toujours là. Fantastique, non ?
- Si tu le dis.
- Un peu plus d'enthousiasme, s'il vous plaît ! D'accord, Trowa, tu peux te contenter de pousser un minuscule soupir, mais toi, Lu... Imagine le paradis que sera notre vie si ton frère trouve l'amour de sa vie sous la douche. Plus de sautes d'humeur !
- Comme au boulot, par exemple. Merci bien, remarqua tranquillement Trowa.
- Plus de soirée Die Hard !
- Oh, si je revois encore une fois Bruce Willis sauver le monde sur mon écran de télévision...
- Plus de nettoyage de printemps à trois heures du matin et en plein hiver !
- Et impossible de lui confisquer son aspirateur, il le retrouve toujours. A croire qu'il l'a équipé d'un traceur...
- Lu, on est en train de parler de ton frère, celui qui étiquette encore ses sous-vêtements à son nom... fit Trowa avant de surprendre le regard soupçonneux de Quatre.
- Je peux savoir d'où tu tiens cette information, mon amour ? s'enquit le blond d'un ton qui charriait la moitié de la calotte polaire.
- ... répliqua stratégiquement son amant.
- Bref. N'oublions pas enfin : plus de omae o korosu chaque fois que le nom de "vous savez qui" nous échappe ! A ce propos, Heero et toi, vous êtes vraiment japonais ou c'est juste un mythe familial ?
Lucrezia éclata de rire.
- Nous le sommes de la racine des cheveux jusqu'à la pointe des orteils, mon chou ! Et sûrement les seuls Japonais mâtinés de sang italien de la planète... Je me souviens parfaitement du jour où l'on a essayé de combiner nos deux héritages culturels. Un conseil : évitez les sushi bolognaise.
- Pourquoi est-ce que je ne suis pas étonné ? marmonna Quatre en piquant un cookie.
- Hn.
Tout le monde se tourna vers Heero, appuyé nonchalamment au chambranle de sa porte.
- C'est une assemblée générale ou quoi ? fit-il, de mauvais poil.
- Oh Dieu, moi qui allais te demander si la nuit avait été bonne ! s'exclama Lucrezia d'un ton mélodramatique. Tu t'es réveillé du mauvais côté ?
- Lu. Ferme-la.
- Toujours aussi gracieux, de bon matin. Oups, c'est vrai : nous sommes en pleine après-midi !
- Quat, les miettes, continua Heero sans se soucier de sa sœur.
Le petit blond leva les yeux au ciel mais veilla néanmoins à ne pas écraser trop de morceaux de gâteau sur le parquet soigneusement ciré.
- Tro, la bouteille de lait sous le canapé, termina Heero en une sorte d'apothéose.
- Comment fait-il... soupira Lucrezia tandis que Trowa s'exécutait. Hee-chan, tu es inhumain !
- Hn.
- Et dire que tu es mon frère !
Tandis que la jeune femme se lançait dans une nouvelle tirade, une voix douce murmura à l'oreille de Heero.
- Alors c'est ta sœur...
- Malheureusement, répondit Heero sur le même ton.
Il pencha légèrement la tête, apercevant tout près de lui une chevelure mouillée, noire et brillante.
- Les onna... soupira le jeune homme, vaguement désabusé.
Heero eut presque envie de sourire. Des frissons de plaisir ne cessaient de le parcourir comme il sentait si proche ce corps qu'il avait tenu contre lui toute la nuit. Définitivement agréable, conclut-il.
- Hé ! Comment était la douche ? demanda soudain Lucrezia, qui venait d'apercevoir le nouveau venu.
- Agréable, dit le jeune homme, faisant écho sans le savoir aux pensées de Heero.
- Frère chéri, tu ne nous présentes pas ton ami ? continua-t-elle avec un clin d'œil.
Les deux hommes résistèrent au réflexe d'échanger un regard embarrassé.
- Ton nom ? souffla tout bas Heero, derrière une expression figée.
- Wufei... toi ?
- Heero. Il s'appelle Wufei, ajouta-t-il d'une voix plus forte.
- Enchantée de faire ta connaissance. Lucrezia Yuy, charmante sœur de ce pas si charmant jeune homme. Lu, pour les intimes.
Oh, la dernière phrase était si lourde de sous-entendus ! pensa Heero en dardant un regard mortel vers la jeune femme.
- Et voici Quatre Raberba Winner et Trowa Barton. Voisins, amis, pique-assiette... je n'ai toujours pas trouvé le titre qui vous convenait le mieux.
- Lu !!
- Quat ?
- Tro, fais quelque chose...
- Hee ?
- Vous vous appelez toujours par des monosyllabes ? demanda Wufei, complètement largué.
- Si tu veux faire partie du club, pas de problème, dit Lucrezia. Voyons... pourquoi pas Wu ? ou Fei ? On peut aussi redoubler les syllabes, si tu préfères : Wu-Wu, Fei-Fei...
- C'est un cauchemar... lâcha Wufei, à peu près convaincu d'être entré dans la maison des fous.
Il recula de quelques pas, jusqu'à la grande baie vitrée qui procurait l'éclairage principal de la pièce. Son coude heurta un télescope.
- Vous êtes passionnés d'astronomie ? demanda-t-il en s'approchant de l'objet en question.
- NE LE BOUGE SURTOUT PAS ! hurla Lucrezia.
Elle bondit du canapé, manqua s'étaler entre la table basse et l'un des fauteuils lorsqu'un éclair de douleur traversa son genou (elle devrait s'en occuper au plus tôt ; la teinte qu'il prenait était vraiment hideuse) et finit sa course aux pieds de Wufei.
- Oh Seigneur ! s'écria ce dernier, l'œil collé à la lunette. Il y a un type qui se balade à poil dans l'immeuble d'en face !!!
- Hé hé... commenta faiblement Lucrezia avant de succomber à l'insoutenable souffrance qui la torturait.
Parfois, la honte qu'éprouvait Heero à cause de sa sœur dépassait tout simplement le langage des hommes.
- Qu'est-ce qu'il fait ? demanda la petite voix de Quatre à ses côtés.
- Je crois qu'il est en train de courir sur un tapis roulant. C'est à la fois répugnant... et étrangement fascinant...
- Fascinant, peut-être. Mais répugnant, certainement pas, dit Trowa, armé d'une paire de jumelles qu'il avait sortie on ne savait d'où.
- Laissez-moi voir ! supplia Lucrezia.
Wufei s'éloigna de la baie vitrée, le visage si pâle que Heero le crut au bord de l'évanouissement.
- Il vaut mieux que j'y aille, annonça-t-il après un long silence, seulement perturbé par les lamentations de Lucrezia auprès de ses amis.
Heero hocha la tête, faisant de son mieux pour ignorer le coup de poignard qui transperça son cœur.
- L'heure du petit déjeuner est passée depuis longtemps, mais tu peux rester manger, si tu veux, proposa Lucrezia.
- Je ne pense pas, répliqua Wufei avec son meilleur regard signifiant "mais quel genre de malade êtes-vous ?".
Heero le raccompagna sans un mot jusqu'à la porte. Wufei se tourna une dernière fois vers lui.
- Je...
- Inutile, coupa Heero en le regardant droit dans les yeux. Je sais ce que tu vas dire.
- Je suis désolé, murmura Wufei. De toute façon, aucun de nous n'avait l'intention de prolonger cette nuit.
Le jeune homme prononça les derniers mots comme s'ils avaient un drôle de goût dans sa bouche.
- Non. Bien sûr que non.
Ils sortirent dans le couloir, mais Heero ne dépassa pas le seuil.
- Heureux de t'avoir co... d'avoir passé ces quelques heures avec toi, se reprit le jeune homme avant de disparaître.
Heero demeura un long moment où il se trouvait, refusant de fermer la porte et de rentrer.
- Tout va bien ? dit Trowa, qui l'avait rejoint.
- Je suppose. Ce n'est pas comme si j'ignorais ce qui allait se passer, n'est-ce pas ? remarqua-t-il, fataliste.
Il était cependant certain que les grands yeux noirs un peu tristes hanteraient bon nombre de ses rêves.
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