Yami No Matsuei Fan Fiction ❯ Fascination ❯ Chapitre 1 ( Chapter 1 )

[ X - Adult: No readers under 18. Contains Graphic Adult Themes/Extreme violence. ]
Auteurs : Andarta et Nyannette
Genre : Coauteurage donc et crossover qu'on vous laisse découvrir.
Avertissement : NC17 pour la suite même si on a été sages pour l'instant.
Couple : surprise des chefs!
Note : nos plus vifs, plus sincères, plus plats remerciements pour ces informations à Esthezyl
qui nous a permis de placer cette fiction dans un très joli port du Japon vues les photos qu'elle
nous a passées.

Fascination

Piège

Il frissonna dans l'air vif du matin, le printemps commençait juste. Depuis une
semaine, il venait tôt le matin visiter la Pagode Kojoji avant la foule des touristes. Il allait
ensuite se promener sur le port sur les quais les plus éloignés pour laisser son esprit
vagabonder, bercé par la mer de Seto. Ce rituel n'avait rien à voir avec la foi mais plutôt avec
une lassitude profonde dont il n'arrivait pas à se débarrasser. Bientôt six mois depuis
l'explosion de son laboratoire et la destruction de son rêve, les Shinigamis avaient tout détruit
mais il ne pouvait en vouloir à Tsuzuki. Il ne tuerait jamais son demi-frère comme il l'avait
rêvé si longtemps mais son sens de l'esthétique se rebellait finalement face à ce qu'il avait
failli faire au Shinigami aux yeux d'améthyste. Il prit le chemin qui le ramenait au port perdu
dans ses souvenirs. Il ne s'était jamais senti coupable de sa vie mais les derniers évènements
l'avait troublé.
Quand Tsuzuki l'avait poignardé il avait perdu connaissance. Il était revenu à lui dans
une fournaise inconcevable dominée par la figure imposante de Touda qui déchaînait les
chaleurs de l'enfer, il avait épuisé le peu d'énergie qui lui restait dans un transfert quasiment
inconscient de son corps blessé. Il s'était réveillé trois mois après à l'hôpital d'Hiroshima, il
avait été trouvé près d'un temple baignant dans son sang. Il avait déjoué les enquêtes
éventuelles en se prétendant muet sous le choc d'une agression et avait pu éviter de répondre
aux questions trop précises et depuis un peu plus de quinze jours il s'était réfugié ici, à
Setoda. Il n'avait pas encore repris contact avec Oriya et toutes les personnes pouvant le
connaître, il avait surtout besoin de solitude. Sans s'en rendre compte, il était arrivé au bout
du quai et il contempla l'île d'Innoshima. La beauté de la nature environnante ne le touchait
toujours pas, seul le bruit des vagues se brisant contre le béton le berçait un peu, son esprit,
vide de Saki, ne réagissait plus. Il soupira et décida de reprendre le chemin de la ville et du
petit dispensaire où il avait repris une consultation, plus par habitude que par envie de soigner
cette race humaine qu'il méprisait toujours autant.
Il dépassait enfin les derniers entrepôts lorsqu'une voix derrière lui retentit :

- Docteur ! Docteur ! Attendez s'il vous plaît.

Muraki se retourna pour voir un des agents de sécurité du port lui courir après.

- Oui ? Que me voulez-vous ?
- Venez avec moi, dépêchez-vous, on vient de retirer un corps de l'eau, docteur, on a
besoin de vous.
- Bien, bien, montrez-moi le chemin, répondit-il sans enthousiasme.


Son guide courait sans raison. Un corps sorti de l'eau si tôt le matin indiquait sans nul
doute une noyade. Il ne pourrait que constater le décès. Trois employés et deux autres agents
de sécurité entouraient un homme plutôt grand allongé au bord du quai. Muraki eu sa
première surprise en constatant que l'homme était un gaijin. Setoda n'était pas
particulièrement un port international et les occidentaux était plus souvent des touristes venus
pour les vieux quartiers ou les temples, ils ne venaient pas souvent dans cette partie de la
ville. Le noyé était décédé depuis plusieurs heures sans aucun doute, il portait des vêtements
de travail et, malgré une peau de roux, était bien halé, un marin certainement. Muraki retrouva
ses réflexes de médecin pour palper rapidement le corps à la recherche de traces suspectes
sans en trouver mais derrière le cou, prise dans les mailles de la veste en laine, il sentit une
chaîne et une sorte de pendentif. Habilement il la dégagea mais ne vit pas de traces de
strangulation. Il se redressa et donna son diagnostic.

- Cet homme est mort noyé depuis au moins quatre heures selon toutes les
apparences. Il ne semble pas y avoir d'autres causes à son décès mais il faudrait
une autopsie plus précise, en particulier pour la recherche d'alcool et de toxiques.
Vous avez trouvé ses papiers ?
- Oui docteur, mais nous ne savons pas les lire.
- Montrez-les-moi.

Muraki se vit remettre un passeport qui se révéla être français, il lut le nom de Yann
Druadh et un lieu de naissance marqué à Brest. Il le rendit à ses interlocuteurs en leur disant
bien de prévenir les autorités quand à l'origine française du marin. Coupant court aux
remerciements, il s'éloigna aussi calmement qu'il le put. Quand il fut sûr d'être seul, il sortit
le bijou de sa poche et l'examina rapidement. Dès qu'il l'avait touché, il avait senti ses doigts
le piquer et sa colonne frissonner, ce pendentif recelait un mystère magique qui avait réveillé
son intérêt. Il était en forme de poisson et d'un coté montrait une forme de symbole à trois
branches tandis que l'autre face semblait porter de curieux hiéroglyphes. Sa curiosité piquée
par ce mystère et le potentiel pouvoir qu'il recelait, Muraki décida de rentrer chez lui pour
faire quelques recherches avant d'aller à sa consultation au dispensaire.

*****

Au même instant, dans les bureaux de l'Enma-Cho, la matinée démarrait comme
d'habitude par les récriminations de Tatsumi sur les dépenses immodérées de son employé
préféré. Tsuzuki n'était pas guéri de son goût pour les sucreries et de son manque total de
respect envers ses supérieurs. Mais l'attention du secrétaire fut attirée par un des nouveaux
dossiers arrivés dans la nuit, le décès d'un gaijin dans le port de Setoda, le rapport faisait
mention de l'origine étrangère du marin ainsi que de la disparition d'un bijou curieux. Un des
correspondants du Juo-Cho avait photographié le pendentif la veille au soir lors d'une soirée
de beuverie à laquelle il avait participé avec l'étranger. L'homme était mort de façon
accidentelle mais les photos du bijou semblaient bien mystérieuses. Avant de classer le
dossier, Tatsumi décida de transmettre les documents à Watari et aux Gushoshins pour qu'ils
enquêtent.
Deux heures plus tard, il manqua se brûler avec son café quand une tornade blonde le
fit sursauter en faisant irruption dans son bureau sans frapper à la porte. Tatsumi fut très vite
noyé sous un flot de mots dont il ne comprit pas le quart, à bout de patience, il hurla :

- ASSEZ !

- Mais ce n'est pas seulement cela qui est fascinant, continuait Watari sans se
démonter.
- ASSEZ ! TU VAS TE CALMER, JE NE COMPRENDS RIEN !
- Oups désolé, chef.
- Watari, peux-tu reprendre tes explications plus clairement ?
- Je vais essayer, chef.
- Je t'écoute mais plus lentement cette fois, répondit Tatsumi.
- Alors ce bijou est bien français et très ancien, chef, il semble originaire d'une
partie de ce pays qui s'appelle maintenant la Bretagne. Le symbole à trois branches
est bien connu, il s'appelle un triskel mais j'ai eu plus de mal pour les symboles
sur l'autre face. Les Gushoshins ont trouvé dans la bibliothèque un ouvrage faisant
mention de l'écriture oghamique et après recherche, il pourrait s'agir du nom
« Myrdhyn », c'est un personnage plus connu actuellement sous le nom de Merlin
l'Enchanteur mais le mythe qui se cache derrière est passionnant. Il aurait eu des
pouvoirs magiques très importants et aurait été aussi chaman.
- Mais il est mort actuellement ?
- En fait, on n'en sait rien réellement, Tatsumi, les chroniques le concernant ne font
pas mention des conditions de son décès.
- Hum, dans ce cas il nous faut transmettre ce dossier à nos homologues français, ils
seront plus à même de juger de l'intérêt des informations que nous avons obtenues,
je vais le faire immédiatement.
- Tu me préviendras s'ils font quelque chose, Tatsumi, hein, tu me préviendras ? Je
veux savoir ce qui se cache derrière ce bijou, répéta le blond Shinigami avec
insistance.
- Watariiiiiiiiiii, commença à crier le secrétaire, si tu m'énerves trop, tu ne sauras
rien du tout ! Alors sors de mon bureau et laisse-moi travailler.

*****


Il n'était même pas trois heures du matin lorsque le dossier s'abattit avec fracas juste
devant le nez de l'endormi dont les deux bras croisés sur le bureau servaient d'oreiller. Il
sursauta violemment, manquant de dégringoler de sa chaise et se redressa, prêt à attaquer
l'assaillant. Il ne vit personne. Le coursier s'était visiblement enfui à toutes jambes. Il était
vrai qu'il était réputé pour son mauvais caractère et ses terribles vengeances, mais tout de
même...

Il se réajusta lentement en bâillant à se décrocher la mâchoire et maudit tout bas cet
apprenti Ankou qui lui avait collé une frousse bleue plus tôt dans la soirée. On n'avait pas
idée d'aller se faire remarquer dans un petit village perdu au fin fond de la campagne où tous
les gens y étaient particulièrement superstitieux ! Il avait dû gérer la panique que le jeune
Passeur des morts avait semé chez les vivants simplement pour se faire remarquer... d'une
fille ! ! Il avait failli en pleurer. Et il s'était écroulé sur son bureau dès qu'il était rentré. Ce
n'était plus de son âge, ces idioties. D'ailleurs, il ne voulait plus s'occuper de ces blancs-becs
qui débarquaient toujours dans son bureau pour y semer la zizanie. Cela, il savait très bien le
faire tout seul. Il en dirait deux mots à son supérieur dès que possible. Les cas de magie et
autres phénomènes étranges étaient devenus rares, mais cela lui suffisait largement ! Inutile de
se coltiner les novices...

Alors qu'il était en pleines récriminations mentales, son regard tomba sur la chemise
échouée sur la surface en bois de son bureau. Allons bon, il allait devoir décider à qui il allait
confier ce truc-là... Il s'appuya contre le dossier de son siège et commença par lire le rapport.
Tiens, c'était bizarre, ça... Que venait faire une affaire traitée par les Japonais sur son

bureau ? Il se gratta le crâne avec perplexité et tourna les pages jusqu'à tomber sur la
photographie d'un bijou ancien. Il devint blême et s'exclama, n'arrivant pas à en croire ses
yeux exorbités :

- Par Lleu ! ! ! Mais que fait-il là-bas ? ? Il ne devrait pas ! ! ! C'est impossible ! !


Il bondit sur ses pieds, envoyant sa chaise valdinguer contre le mur, enfila sa veste de
cuir rapidement, griffonna une note destinée à son subalterne pour prévenir de son départ,
s'empara du dossier à la volée et se mit à courir à travers les couloirs sombres du grand
bâtiment. Il avait oublié le jeune Ankou, sa rancune contre les novices en général et ses
reproches sur la hiérarchie... Seul l'intéressait ce rapport pour lequel il allait directement se
rendre au Japon... sans demander l'avis de son supérieur. Mais qui pouvait seulement le
contredire en ce monde ? Pour une fois, sa filiation lui servirait à quelque chose d'autre qu'à
être une source de jalousie ou de moqueries idiotes.

Il ne lui fallut guère de temps pour débarquer à l'Enma-Cho, échevelé, son humeur
oscillant entre la très grande excitation et une colère noire. Il se retrouva dans le grand hall,
tournant sur lui-même pour essayer de se repérer, grondant devant ce retard intolérable. Il
remonta d'un geste sec une mèche de sa chevelure poivre et sel et avança d'un pas décidé
droit devant lui. Il s'arrêta quelques instants pour choisir au hasard une direction lorsqu'une
espèce de machin gesticulant se planta devant lui en lui tendant sous le nez un plateau de
sucreries et de gâteaux variés. Surpris, l'Ankou recula d'un pas, hésitant sur la conduite à
tenir : l'évincer vertement ou lui demander le chemin ? ? La seconde solution étant la plus
adéquate, il se décida après avoir pris une petite pâtisserie pour faire plaisir à cet exalté et
visiblement bouche à sucre aux yeux... euh... d'améthyste, oui, c'était la couleur
appropriée...

- Excusez-moi, je voudrais me rendre au bureau de votre secrétaire. C'est urgent.
- Suivez-moi, je vous y conduis... Vous venez pour quoi ?
- Cela ne vous regarde pas.


Le ton avait été sec et froid, sans appel. D'ailleurs son guide se tut immédiatement,
douché dans son enthousiasme. Cet étranger était franchement désagréable, lui qui avait voulu
être poli... Déçu par ce comportement, il le guida à travers les interminables couloirs et ils
arrivèrent enfin devant le bureau dudit secrétaire où l'étranger frappa à la porte et fit
l'immense effort d'attendre d'être invité à entrer pour enfin pénétrer dans l'antre de son
homologue japonais. Ce qu'il fit d'un pas vif, affichant l'expression dure et ironique
qu'avaient appris à redouter tous ceux qui avaient été placés sous ses ordres. Et il se heurta de
plein fouet à un regard bleu aussi glacial que la banquise, ce qui lui déplut fortement.

- Bonjour, je suis Tatsumi Seiichirou, secrétaire de l'Enma-Cho, fit le Japonais en
tendant la main d'un geste poli.
- Euh... Enchanté... Quel votre prénom ? fit-il en répondant à la poignée de main.
- Appelez-moi Tatsumi et vous, vous êtes ?
- Emrys Kentigern, du département de Brocéliande, France.


Ils se toisèrent durant une bonne minute en silence, s'évaluant l'un l'autre sans pitié.
Puis Tatsumi reprit la conversation sans quitter des yeux son visiteur :

- Puis-je connaître la raison de votre présence ici, Kentigern ?
- Emrys, je vous prie. Voilà la raison de ma venue.



Et il posa le dossier sur le bureau du Japonais, sans en dire plus. Ce dernier le prit et
l'ouvrit. Il reconnut immédiatement le rapport sur le marin étranger et il releva la tête pour
détailler de nouveau son interlocuteur qui sembla s'en amuser :

- Vous avez été rapides à réagir... Je ne pensais voir quelqu'un que plus
tardivement...
- Disons que c'est un coup de chance, surtout vue l'heure, rétorqua le visiteur. Au
fait, Merlin l'Enchanteur n'était pas chaman, il était druide... Ce n'est pas la
même chose.


Il y eut encore un bref silence et Tatsumi hocha la tête d'un air entendu :

- Il me semble que nous avons des choses à apprendre l'un de l'autre, Emrys. Vous
êtes donc un spécialiste des légendes de votre culture ?
- Si on peut dire... Ce qui m'interpelle dans ce dossier, c'est ceci, fit-il en montrant
la photo du bijou.
- Très joli artefact... Vous savez de quoi il s'agit exactement ?
- Ceci est un objet qui n'aurait jamais dû réapparaître. Je dois le récupérer pour le
mettre en lieu sûr dans les plus brefs délais. Où est-il ?


Tatsumi fut surpris devant l'urgence que laissait transparaître la voix de Kentigern.
Pourquoi un tel empressement ? En quoi ce bijou pouvait-il être aussi important aux yeux des
Français ? Et surtout pourquoi avait-il la vague impression que son homologue lui cachait
quelque chose ? Il répondit tout en observant ses réactions :

- Nous ne l'avons pas retrouvé.


Emrys pâlit brusquement alors que ses poings se serraient, mais il fit un effort
appréciable pour ne pas sauter à la gorge du Japonais. Il parvint à demander, la voix
légèrement assourdie de colère devant tant d'incompétence :

- Où sont le corps et les effets personnels du marin ?
- A la morgue et au commissariat du port où votre marin est décédé. Pourquoi vous
montrez-vous aussi tendu ? Nous pouvons très bien nous charger de ce dossier si
vous nous donnez les éléments nécessaires...
- Yann Druadh est Breton et je suis l'Ankou de sa région natale. Il est donc à moi
puisqu'il entre dans le cadre de mes attributions. Surtout avec ce bijou...
- D'accord, je n'insiste pas. Inutile de vous énerver pour si peu.


Une lueur fugitive passa dans le regard vert d'Emrys qui rétorqua aussi sec :

- Oh... Mais je suis d'un calme olympien en ce moment... Aussi calme que je peux
l'être après avoir été réveillé à trois heures du matin à cause d'un bijou légendaire
que vous n'avez pas été capables de retrouver ! Je n'ai guère de temps à perdre en
mondanité obséquieuse, j'ai un pendentif à récupérer au plus vite avant qu'il ne
tombe entre de mauvaises mains.
- Il est donc si important ?
- Oh oui, il l'est ! Il appartient au monde magique celtique... Il a été la propriété de
Merlin, il ne peut être qu'important !

- Mais Merlin n'est qu'une légende... On ne sait pas ce qu'il est devenu, ni s'il a
vraiment existé... Tout cela n'est peut-être qu'un canular...


Emrys éclata de rire, froissant involontairement son homologue japonais :

- Merlin a vraiment existé et ce qu'il est devenu... Je préfère ne rien dire à ce sujet,
vous seriez très étonné. Bon, inutile de nous attarder davantage là-dessus. Rendez-
vous utile, Tatsumi. Donnez-moi l'adresse de ce commissariat que j'y aille sans
plus attendre. Et puis, aussi l'endroit exact où le corps a été repêché, tant qu'on y
est...


Décidément, le secrétaire de l'Enma-Cho avait une patience à toute épreuve. Ce type
était pire que Tzusuki... et certainement plus imprévisible, également. Il donnait vraiment
l'impression de ne respecter aucune règle, aucune bienséance, aucun savoir-vivre... Il était un
gaijin de la pire espèce, une vraie plaie ! Finalement, plus vite il retrouverait son satané bijou,
plus vite il débarrasserait le plancher... Du coup, autant l'aider dans son enquête, n'est-ce
pas ? C'était un gain de temps à ne pas négliger... Et puisque Tzusuki n'avait rien à faire
d'autre que s'empiffrer, eh bien ! Il lui servirait de guide !

- Très bien... Je vais vous adjoindre quelqu'un pour vous y conduire Le Japon n'a
rien à voir avec l'Occident.


Emrys venait à peine d'acquiescer que Tatsumi appela le Shinigami aux yeux
améthyste, qui déboula un peu trop rapidement pour être honnête, et lui signifia qu'il devait
mener l'étranger jusqu'au commissariat. D'abord interloqué, le jeune homme finit par faire
signe à Kentigern de le suivre, non sans jeter un regard envieux sur le plateau de pâtisseries
qu'il était obligé d'abandonner là. Après un salut du Français, ils s'éclipsèrent tous deux, se
téléportant directement sur les lieux. Alors que Tzusuki allait l'attendre bien sagement à la
sortie, Emrys lui indiqua qu'il n'avait plus besoin de ses services et qu'il allait se débrouiller
tout seul.

Ce fut donc une fois débarrassé de l'encombrant surexcité qu'Emrys entra dans le
commissariat, l'expression inquiète et semblant totalement perdu. Il se dirigea vers l'accueil,
tout en regardant les policiers en uniforme strict s'affairer dans les bureaux, dossiers en main
ou devant leurs écrans d'ordinateur. Bon sang, ce qu'il ne fallait pas faire, tout de même ! Il
passa une main nerveuse dans sa chevelure et adressa un sourire embarrassé à l'agent qui le
détaillait sommairement. Oh, il devait le voir comme une espèce de touriste étrange, avec sa
veste et son pantalon en cuir, alors que sa chemise boutonnée jusqu'au col lui redonnait plus
de sérieux... enfin, tout était relatif, étant donné l'âge apparent qu'il affichait... Un européen
refusant d'aborder la cinquantaine et voulant rester éternellement jeune, voilà ce que devait
penser en le regardant l'agent de l'accueil... Tout à fait l'effet voulu, même si sa tenue
vestimentaire n'avait pas été prévue à cet effet à l'origine.


- Excusez-moi... Je viens d'apprendre que... que mon ami, M. Yann Druadh est
décédé accidentellement cette nuit... D'après ce qu'on m'a dit, c'est ce
commissariat qui s'occupe de l'enquête à son sujet... Est-ce que... que je pourrais
voir l'inspecteur qui s'occupe de lui, s'il vous plaît ? demanda Emrys dans un
anglais impeccable.


Le policier le regarda avec l'air niais de celui qui ne saisit rien au discours. Il secoua la
tête doucement et répondit avec un accent à couper au couteau :



­ Désolé... Nous parler anglais non... Comprendre non...


L'Ankou fronça les sourcils, quelque peu déconcerté. Là, ça se compliquait
franchement... Peut-être que l'autre machin surexcité aurait pu lui servir à quelque chose
finalement... Il se passa une main lasse sur la figure et reprit, en parlant doucement :


­ Yann Druadh... Marin français... Mon ami...


Le policier secoua une nouvelle fois la tête. Emrys sentit l'agacement monter en
flèche. Il n'était pas d'une patience exemplaire, surtout lorsqu'il était fatigué et de mauvaise
humeur. Il répéta le nom du marin en insistant lourdement sur les syllabes et montra son coeur
en le tapotant légèrement. L'air complètement ahuri du policier le renseigna immédiatement
sur l'échec de sa nouvelle tentative. Mais ce n'était pas vrai ! ! Comment allait-il faire pour
regarder dans les affaires du marin si personne ne daignait faire l'effort de le comprendre ?
Un nouvel échec plus tard et il commença à faire les cents pas sous l'oeil méfiant et vigilant de
l'agent. Emrys se retenait pour ne pas exploser et tout envoyer balader... Pourquoi ne
parlaient-ils pas anglais, ces zozos-là ? Tout le monde parlait anglais ! ! C'était indispensable
de nos jours ! Rhaa ! ! ! Il devait faire quelque chose... Tant pis pour la réglementation sur la
magie... Et de toute façon, qui le saurait, hein ?

Il s'immobilisa d'un seul coup et fit semblant de se souvenir de quelque chose. Il
fouilla fébrilement dans ses poches avant de sortir son portefeuille et de l'ouvrir. Il finit par y
prendre une feuille de papier pliée en quatre et la caressa un bref instant du pouce, comme s'il
cherchait à en estimer le grain du papier. Personne ne vit l'éclat argenté qui sembla couler de
sa main et parcourut la feuille dans son entier, alors qu'Emrys sollicitait un bref moment sa
puissance dans ses doigts. Cela n'avait pris qu'une ou deux secondes, mais il savait que le
sortilège avait été intense pendant ce temps... Surtout qu'il ne connaissait rien de ce pays, il
avait dû puiser dans ses ressources pour parvenir à un résultat probant.

Il déplia la feuille et y vit avec satisfaction ce qui ressemblait à un formulaire local
rempli comme il le fallait. Il repêcha également sa carte d'identité perdue au milieu d'autres
papiers plus ou moins officiels et revint près du bureau, le visage plus triste que jamais et la
larme à l'oeil. Il tendit la feuille trafiquée au policier qui la parcourut et vérifia son identité,
avant de s'éclipser pour aller discuter avec l'un de ses collègues. Emrys détourna la tête en se
mordant les lèvres, devenant l'image même du désespoir devant les regards soupçonneux de
l'inspecteur. Les larmes coulaient sur ses joues, désormais, et il les essuya d'un geste fébrile.

Ce spectacle affligeant ou plutôt la lettre officielle soi-disant émise par l'ambassade
eut raison du barrage policier et Emrys vit atterrir sous son nez une caisse où se trouvait
méticuleusement rangé tout ce qui appartenait au marin français. Il remercia d'un signe de
tête, renifla avant de sortir un kleenex et se moucha le plus discrètement possible. Empoignant
la caisse, il s'installa dans un coin à l'écart pour y faire son inspection, tout en se retenant
pour ne pas rire de sa comédie. Décidément, il ne perdait vraiment pas la main à ce genre de
jeu. Le policier devait le croire perdu dans son deuil. Tant mieux, on lui ficherait la paix ainsi.
Il reprit sa feuille qu'il replia pour la remettre dans sa poche, rangea sa carte d'identité et
commença l'inventaire des effets personnels de Druadh. Une montre, un portefeuille, des
vêtements, une gourmette en argent, un vieux billet de loto, une photo d'enfant...

... mais pas ce qu'il cherchait...

De rage, il faillit balancer la caisse à travers la pièce. Il passa ses mains sur son visage
en cherchant à se calmer. Bon sang ! ! Il devait retrouver ce pendentif ! Il appartenait à... Il
inspira profondément et commença à réciter ses triades sacrées pour se détendre et faire le
vide dans ses pensées. Bon, il devait aller chercher ailleurs... mais il était aussi obligé

d'embarquer tout ce fatras inutile, sinon il allait paraître louche aux yeux des policiers et
comme il risquait de les revoir au cours de sa propre enquête... Il prit les affaires du marin
qu'il fourra dans un sac qui lui appartenait aussi. Il rendit la caisse à l'agent de l'accueil et
sortit rapidement.

Il regarda autour de lui. Il fallait qu'il trouve un lieu discret pour se débarrasser de ce
paquet encombrant. Il avisa une ruelle plutôt sombre et isolée où il ne vit personne. Il s'y
rendit vivement, pressé d'en finir avec ce contretemps, portant sur son visage sa très grande
nervosité. Emrys était à deux doigts de se mettre en colère et tout l'énervait au plus haut
point. Ne pas retrouver ce pendentif si important à ses yeux était ce qu'il y avait de pire pour
lui en ce moment. Il s'enfonça dans un coin sombre, posa le sac à terre et s'accroupit devant
aussitôt. Il tendit les mains pour les mettre en contact avec le ballot et se concentra un bref
instant. Il devait envoyer tout ça au Département de Brocéliande qui s'occuperait de les
rendre à la famille du malheureux noyé. Une fois qu'il se sentit prêt, il fit enfin appel à ses
enchantements. Ses mains s'illuminèrent une nouvelle fois pour y laisser glisser son énergie
qui entoura le sac d'un éclat laiteux presque aveuglant. Emrys retira l'une de ses mains alors
que l'autre se plaçait au sommet du sac et il ferma un instant les yeux pour accentuer sa
puissance. Au bout d'un moment qui lui sembla trop long, le bagage finit par disparaître sans
laisser de trace, au grand soulagement de l'Ankou, même s'il n'était guère satisfait de lui. La
mine plus sombre et coléreuse que jamais, il se redressa sans même faire attention à ce qui
l'entourait et sortit du coin où il s'était réfugié. Il se sentait rouillé, cela avait pris trop de
temps à son goût. Décidément, rester coincé derrière un bureau ne lui réussissait pas. Il allait
devoir reprendre son entraînement et affiner ses dons.

Totalement dépité, la rage au ventre et sentant la fatigue avoir raison de lui, Emrys se
décida qu'une visite au port serait tout aussi bien. Après tout, on ne savait jamais, autant
commencer par le début. Le pendentif était peut-être tombé au sol et personne ne l'avait
remarqué... Il se mit en marche lentement pour réfléchir et se calmer, regardant autour de lui
ce cadre exotique où les ruelles étaient vraiment étroites, grimaçant devant les escaliers sans
fin, admirant les temples et maisons, les quelques vitrines où s'étalaient les kanjis tous aussi
étranges les uns que les autres... Il ne se guidait que par l'odeur iodé de la mer, sans plus faire
attention à ce qui l'entourait, se disant qu'il devrait penser à ramener un souvenir... Quelques
jours de vacances ici lui feraient le plus grand bien, après avoir retrouvé le bijou... A cette
pensée, la colère, momentanément apaisée, flamba de nouveau et il grommela entre ses dents
en gaélique ancien, tic qui le prenait dès qu'il s'oubliait :

- Par Lleu ! Comment ce foutu bijou a pu atterrir au Japon ? ? Hein ! ? Ras-le-bol de
réparer les bourdes des autres à chaque fois qu'ils déc(bip) ! ! ! P(bip) de b(bip) de
m(bip) ! ! ! Vont m'entendre g(bip) dans ce trou à rats local ! ! Vais leur botter le
train à ma façon s'ils n'ont pas les c(bip) de reconnaître leur c(bip) ! ! !


Il inspira profondément et se força au calme. Il devait se reprendre, sinon il allait
commettre des bêtises. Il se concentra de nouveau sur le paysage. Il fallait qu'il profite de
l'occasion. Ce n'était pas tous les jours qu'un Ankou pouvait se promener au Japon... même
si sa visite n'était pas...euh, tout à fait officielle... Il eut une grimace en songeant à ce qui
allait l'attendre en rentrant. Son chef allait lui tomber dessus, sans parler de son géniteur...
Un frisson le parcourut tout le long de la colonne vertébrale. Les colères de son père étaient
pires que les siennes, c'était tout dire, et il avait tout à craindre... Même si ces mêmes colères
ne changeaient strictement rien à son comportement pour le moins cavalier... Et puis, il savait
comment l'amadouer... plus ou moins... Confiant en ses propres talents, il se laissa une
nouvelle fois emporter par le décor extraordinaire qui se déployait sous ses yeux. C'était si

loin de la frénésie des grandes villes et de l'anarchie architecturale qui avait tendance à tout
bétonner depuis cent ans... Tout était si différent et si harmonieux... Si apaisant... Si... ? !

Ahuri, Emrys s'immobilisa en ouvrant des yeux comme des soucoupes devant ce qui
venait d'apparaître au-dessus d'une porte. C'était invraisemblable, totalement surréaliste,
impossible ! ! Et pourtant... Il y avait bel et bien un triskel qui lui faisait de l'oeil au-dessus de
cette porte. S'il avait été sur son territoire, il n'aurait guère été surpris, mais là... ici... C'était
anormal... La première pensée qui lui vint, teintée de panique, il fallait l'avouer, c'était que
son père adoré venait de le retrouver et allait l'embarquer de force pour le punir comme il se
devait. Emrys recula d'un pas, réprimant difficilement un tremblement nerveux... mais il ne
pouvait quitter ce symbole du regard, comme s'il était hypnotisé. Comment... comment son
père avait-il fait pour le retrouver aussi vite alors qu'il avait été de la plus grande prudence ? ?
Puis, il chercha à se raisonner... à surmonter son angoisse... Non, il était trop tôt. Ils
dormaient encore, là-bas... Alors... Qui ? Qui connaissait ce symbole ? Surtout qu'il
s'agissait ni plus ni moins de celui qui était représenté sur le bijou recherché... Pourquoi le
faire apparaître maintenant ? Et pourquoi ici, juste devant lui ? Immobile, comme statufié sur
place, il n'avait même pas fait attention à son entourage, encore moins aux ondes
surnaturelles... Il ne comprit absolument rien à ce qui lui arriva par la suite... Trop préoccupé
par ce triskel apparu de nulle part, il ne sentit par approcher le danger...


*****


Après ces recherches matinales, il avait dû se rendre au dispensaire mais n'avait pu
s'ôter ce mystérieux pendentif de son esprit. La sensation avait été discrète mais revigorante.
Pour la première fois depuis plusieurs mois, il avait perçu de la magie et son intérêt s'était
réveillé. Il n'avait pas pu trouver beaucoup d'informations en aussi peu de temps mais les
origines celtes de cet objet ne faisait aucun doute, Muraki l'avait donc laissé dans un coffret
de bois protégé par un kekkai pour rendre sa magie indétectable : il ne voulait pas se le faire
voler avant d'avoir pu l'étudier plus en détail. Et maintenant que son travail de médecin était
terminé, il se demandait comment trouver plus d'informations. Il s'installa dans un restaurant
pour prendre une soupe rapide et un bol de riz tout en réfléchissant à son problème. Il était
éloigné de sa bibliothèque personnelle et n'avait pu que faire quelques recherches sur internet
en se basant sur le lieu de naissance du marin qu'il avait pu mémoriser. Les Celtes étaient
manifestement des gens de grand savoir, en particulier leurs druides, mais ces derniers avaient
disparu depuis longtemps. Leur magie était puissante pour qu'il ait encore pu la sentir après
tant de temps en touchant le bijou. Peut-être que ce gaijin qui était venu mourir dans ce port
du Japon si éloigné de sa ville d'origine leur était apparenté. Il devait en savoir plus sur le
mort. La police avait dû transmettre les informations aux autorités françaises au Japon, il
fallait qu'il aille au commissariat pour voir où ils en étaient de leur enquête. Ils pourraient
peut-être faire avancer un peu ses propres recherches.

Sans perdre une minute, Muraki se leva tout de suite pour prendre la direction du poste
de police. Il ne s'était pas senti aussi vivant que depuis sa première rencontre avec Tsuzuki.
Une nouvelle source de savoir magique... Une nouvelle source de pouvoir pour enfin piéger
le Shinigami aux yeux d'améthyste... Sentir cette peau si douce, allumer une lumière de
plaisir dans ces prunelles si tristes par moment... Pour la première fois depuis Tokyo, Muraki
avait un nouveau but et ce pendentif bizarre allait peut-être lui donner de nouveaux moyens
pour prendre en défaut les Shinigamis.


A deux ou trois rues du commissariat, le docteur ressentit de nouveau un frisson le
long de sa colonne. Le même que ce matin au contact du bijou... Mentalement, il vérifia
rapidement que son kekkai n'avait pas bougé. Non, la source de cette magie venait d'ailleurs,
de bien plus près de lui. Y aurait-il eu un autre objet important dans les vêtements du mort

qu'il n'avait pas détecté ? Muraki accéléra le pas, il fallait qu'il examine ces affaires le plus
vite possible avant d'éveiller l'attention de l'Enma-Cho.

Une longue silhouette brune, revêtue d'un imperméable noir mettant en valeur des
épaules parfaites et des hanches fines attira son attention dans une rue adjacente. Tsuzuki ?
Que faisait-il ici ? A Setoda ? Cette ville ne faisait pas partie de sa zone de responsabilité,
c'était pour cela qu'il était resté dans cette région, il espérait ne pas attirer son attention avant
d'avoir récupéré des forces. Et en plus il semblait venir du poste de police... Sa présence
avait-elle un rapport avec le pendentif ? Le Shinigami n'était pas un des plus intéressés par la
magie malgré sa puissance alors pourquoi se trouvait-il ici ? Tsuzuki ne semblait pas sur ses
gardes mais Muraki se méfiait. Lorsqu'il le vit rentrer dans un salon de thé, il ne put
s'empêcher de sourire : il allait y passer l'après-midi et dévaliser leurs meilleures pâtisseries.
Il pouvait reprendre la direction du commissariat mais décida de rester sur ses gardes, il ne
sentait pas Hisoka mais Tsuzuki n'était peut-être pas seul.

Il arrivait à son but lorsqu'il vit un étranger, portant un sac, sortir rapidement de chez
les policiers. L'homme était grand, vêtu d'une veste de cuir, les tempes grisonnantes... enfin
en apparence. A la grande surprise du docteur, le gaijin utilisait un sort créant une illusion lui
permettant de masquer son physique réel et ce qu'il voyait derrière le masque donnait envie à
Muraki de mieux le connaître. Il décida de le suivre en réalisant que la magie ressentie
précédemment venait de cet homme ou de ce qu'il portait. L'inconnu était très énervé et cela
rendait la filature aisée même si celui-ci pensait prendre des précautions. Il le vit, après des
coups d'oeil à droite et à gauche, disparaître dans une ruelle sans issue où Muraki le suivit
discrètement. L'homme s'agenouilla devant le sac et, avant que le docteur réagisse, il vit ce
dernier l'entourer de ses mains en faisant appel à sa magie. Dans un grand éclair, le sac
disparut. Le docteur appela rapidement un bouclier de protection. Décidément, cet inconnu
semblait avoir de grandes capacités et il voulait pouvoir le questionner tranquillement. Il ne
fallait pas que d'autres personnes le repèrent. Il se recula dans l'ombre d'une porte et continua
son observation.

L'inconnu s'était redressé et avait repris la rue principale. Il était moins énervé, plutôt
perdu dans ses pensées. Que se passait-il ? Il semblait marcher sans but au milieu des vieux
quartiers, sans réaliser l'attention qu'il suscitait. Après l'explosion de colère et de magie
précédente, Muraki se serait attendu à une autre réaction, il se comportait maintenant comme
un touriste anonyme. Mais, petit à petit, le docteur comprit que l'inconnu se rapprochait du
port. Après le commissariat, il rejoignait le lieu où avait été trouvé le corps ? C'était le plus
logique, mais cet homme était-il logique ? Muraki n'en était pas sûr, vu ses changements de
comportement précédents. Il en eut une autre preuve quand il s'énerva tout seul dans une
langue inconnue du Japonais. Le docteur écouta attentivement ce qu'il disait. Il ne comprenait
pas mais les sonorités bizarres lui évoquaient des souvenirs. Lors de ses voyages dans sa vie
précédente, quand il était encore un docteur soignant son prochain, il avait été en contact avec
des Irlandais et la langue qu'il parlait entre eux avait des points communs avec celle utilisée
par cet inconnu. Plus Muraki regroupait ses souvenirs et ses recherches matinales, plus cet
homme lui semblait bien venir de France, et peut-être même de la région de naissance du
marin de ce matin. Les Européens avaient aussi des Shinigamis ? Il ne pouvait s'agir que de
cela. Ce qu'il voyait de l'apparence réelle de l'inconnu lui disait qu'il n'avait pas affaire à un
autre marin mais à un sportif, un cavalier vu sa démarche ? Un combattant s'il était devenu
Shinigami à une époque plus ancienne ?

Le docteur se rapprocha de lui en profitant de l'attention qu'il portait de nouveau au
paysage et sentit dans son corps la magie se réveiller. Cet homme était un magicien et était lié
au pendentif qu'il avait découvert, Muraki pouvait le sentir. Il ne devait pas le laisser atteindre
le quai où il s'était tenu ce matin, il ne pouvait pas prendre le risque que cet inconnu ait le
pouvoir de détecter sa présence là-bas et de le suivre à la trace.


Dans une ruelle étroite et plus discrète, le docteur passa à l'action. Il fit appel à sa
mémoire et se concentra rapidement pour faire apparaître le symbole qu'il avait étudié ce
matin sur le bijou au-dessus de la porte d'une maison très ancienne qui était devant eux. Dès
qu'il le vit, l'inconnu s'arrêta comme paralysé par le choc. Devant cette réaction, Muraki ne
douta plus et se rapprocha rapidement. Quand l'inconnu recula, le docteur était prêt et il
entoura la tête de l'homme avec ses mains, son oeil artificiel sembla percer à travers sa
chevelure pendant quelques brèves secondes et le gaijin s'écroula en arrière inconscient,
endormi dans ses bras.

- Vous avez besoin d'aide messieurs ? demanda une voix douce derrière Muraki.


Il se retourna après avoir affermi sa prise sur l'inconnu dont l'apparence ne bougeait
pas malgré le sort qu'il lui avait jeté pour lui faire perdre conscience. Un couple âgé et discret
regardait avec inquiétude sa proie.

- Ce n'est rien, le gaijin a fait un malaise devant moi. Je suis le médecin du
dispensaire près du temple Senkoji. Je vais l'y amener pour l'examiner. Il a dû
beaucoup marcher pour visiter la ville sans penser à boire assez comme beaucoup
de touristes que je dois soigner.
- Vous avez besoin d'aide, docteur ? Il n'est pas trop lourd à porter ?
- Non, ça va, je vous remercie. Ces étrangers ne sont pas aussi lourds qu'ils y
paraissent avec leurs vêtements.


Muraki les salua aussi respectueusement que son fardeau le lui permettait et prit la
direction du temple. Une fois hors de leur vue, il changea de direction pour aller chez lui. Il
voulait confronter son inconnu au pendentif. Mais en arrivant, il se rendit compte des
difficultés de son projet, contrairement à ses appartements précédents, il était entouré cette
fois de beaucoup de témoins potentiels. Il posa l'homme sur un fauteuil près de son bureau et
rouvrit le coffret où était caché le bijou. Dès que le kekkai disparut, le gaijin se mit à gémir
comme s'il sentait sa présence. Inquiet, le docteur lui posa la main sur son front et comprit
tout de suite qu'il luttait contre la compulsion l'obligeant à dormir. Il recacha le bijou derrière
sa barrière magique la plus puissante et aussitôt l'inconnu se rendormit. Le problème lui parut
insoluble lorsque le souvenir d'une visite précédente lui revint ; sur l'îlot de Hyotanjima, il
avait visité une ancienne maison de maître de plain-pied, à l'écart des routes maritimes,
protégée par suffisamment d'arbres pour qu'un kekkai soit suffisant pour lui donner l'intimité
qu'il recherchait. Il fouilla dans ses tiroirs où il trouva plusieurs cordelettes qu'il avait
ensorcelées il y a longtemps en l'honneur de Tsuzuki, il les mit dans une sacoche avec le
coffret contenant le pendentif et diverses autres provisions. Il lui faudrait hypnotiser un
pêcheur et peut-être le gardien de la maison pour qu'ils les laissent tranquilles, mais c'était la
meilleure idée qu'il pouvait avoir aussi rapidement. Il reprit dans ses bras son bel inconnu
dont il n'avait même pas pu voir la couleur des yeux et se dirigea vers le port.