Gundam Wing Fan Fiction ❯ AC 206 ❯ Chapter 3

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AC 206

par Erynna

Troisième partie

De : QRW_Office@Winner.org
A : D_Maxwell@Shinigami.com
Sujet : re:Toc toc, es-tu là ?

M. Winner sera heureux de vous recevoir à son bureau de *** (sur Terre), aujourd'hui à 13 : 30.

- Maxwell, tu viens d'accomplir un miracle, murmura Wufei, les yeux rivés sur l'écran de l'ordinateur portable.
- N'est pas Shinigami qui veut, répliqua Duo.
Celui-ci éclata de rire en voyant l'expression de stupeur de son ancien coéquipier. Il faut dire que la fierté du Chinois venait d'en prendre un coup. En l'espace de quelques minutes, Duo avait non seulement réussi à contacter Quatre, ou du moins sa secrétaire, mais encore à obtenir un rendez-vous le jour même de leur arrivée sur Terre. Un véritable miracle, comparé aux heures de torture téléphonique qu'avait passées Wufei à discuter avec des standardistes bornés.
Duo éteignit le portable comme l'hôtesse enjoignait aux passagers de boucler leur ceinture. La navette amorçait sa descente dans l'atmosphère. Le jeune homme jeta un dernier coup d'œil à travers le hublot, juste avant l'activation du bouclier thermique. Il eut néanmoins le temps d'apercevoir le blanc des nuages, le bleu brillant de l'océan ainsi que l'ocre et le vert qui signalaient les terres. Bientôt, ils seraient tous réunis.
L'excitation dont il était la proie l'empêchait de demeurer tranquille et Purdy, assis à côté de lui, poussa un grognement mécontent lorsque le coude de Duo vint heurter sans ménagement sa cage thoracique.
- Oups, désolé…
Pourquoi vient-il, celui-là ?
La question de Wufei occupait son esprit depuis le début du voyage. Sans qu'il fût capable d'apporter une réponse satisfaisante. Pourquoi avait-il tenu à amener ce type qu'il ne connaissait que depuis une semaine ? Parce qu'il se trouvait chez lui à ce moment-là ? Tout cela était ridicule. Jusqu'à présent, la seule chose qu'il avait partagé avec Purdy était un amour immodéré pour la Grandiosa de Chez Mario et les films d'horreur. Leur relation était condamnée avant même d'avoir eu la chance de naître. Duo savait qu'il n'irait jamais jusqu'au premier baiser avec Purdy. Et puis cette façon de l'appeler D-man ! Il commençait à comprendre l'exaspération de Wufei lorsqu'il lui donnait ce genre de diminutif… Bien évidemment, ce n'était pas cela qui allait l'empêcher de continuer.
Non, il ne savait vraiment pas pourquoi Purdy était là.
Ou peut-être…
Parce qu'il se sentait seul ?
Run. Hide. Never lie.
Tu parles d'une devise ! S'il ne pouvait plus se mentir à lui-même…
Et pourtant, c'était bien de cela qu'il s'agissait. Cette solitude qui le hantait depuis près de dix ans, et que même les rires et les pleurs des enfants de l'orphelinat n'arrivaient pas à combler.
Un vide dans son âme. Comme s'il lui manquait une partie de lui-même.
Deathscythe, bien sûr. Son cœur s'était brisé lorsque son compagnon de métal avait été détruit.
Et puis, quelque chose d'autre.
Il espérait qu'en revoyant son ancienne équipe, il arriverait à mettre un nom dessus.

* * *

~Journal de Relena Darlian-Peacecraft~

L'arrangement des fleurs dans le hall. Glaïeuls, iris, roses, lys… Tout ce que vous voudrez. L'accueil des invités, l'attribution des places autour des tables, l'élaboration des menus… Attention, l'ambassadeur de la colonie L12 est allergique aux fruits de mer. L'ordre des discours, leur longueur, oui oui, ne pas oublier de faire allusion au formidable travail des organisations non gouvernementales… Le respect du timing, très important ça… Le bal, la rémunération de l'orchestre, le choix des musiques… Strauss, encore ? Ce n'est pas un peu trop "classique" ? Pourquoi pas quelque chose de plus… rythmé ?
Mon conseiller m'ennuie. C'est décidé, demain je le fais muter à la surveillance des parkings.
Mon agacement doit être visible car il s'arrête soudain de parler et me fixe par-dessus ses grosses lunettes.
- Madame ?
Mes doigts tambourinent nerveusement sur le somptueux acajou de mon bureau. J'ai une envie terrible de taquiner le pauvre homme.
- Jeffrey ?
- Ce ne sont peut-être que des broutilles à vos yeux, mais je me permettrai de vous rappeler que ce sont les petits détails qui font la différence. Concernant les amuse-gueule…
- Pourquoi pas ces délicieux chocolats emballés dans du papier doré ?
- Des Ferrero Rocher ? propose-t-il avant de se couvrir la bouche, réalisant ce qu'il vient de dire.
Je lui lance un sourire diabolique. Et m'écrie pour la deux cent trente-sixième fois de la journée :
- Pour que les réceptions de l'ambassadeur soient toujours un succès !
- Dieu du ciel, murmure-t-il, complètement à bout.
- Vous n'avez aucun sens de l'humour, Jeffrey. Je tiens néanmoins aux pyramides de Ferrero, si vous n'y voyez pas d'inconvénient.
- Comme il vous plaira, laisse-t-il tomber, vaincu. Passons au système de sécurité.
Jeffrey consulte ses notes en fronçant les sourcils.
- La garde sera doublée à l'extérieur et à l'intérieur des bâtiments. Nous avions pensé faire appel à Priventa…
Je balaye sa suggestion d'un geste de la main.
- Contentez-vous de renforcer le dispositif habituel. Je refuse d'inquiéter les invités par ce genre de détail.
- Nous y revoilà, encore les détails ! gronde-t-il. Je vous rappelle que le FLC n'est pas enclin à la plaisanterie. S'il projette de vous assassiner, il fera tout pour…
- Ça suffit, Jeffrey ! Je ne cèderai jamais à la pression des terroristes !
Non, jamais. Les menaces de mort sont le lot quotidien de tout membre du gouvernement, en particulier lorsqu'on est ministre des Affaires Etrangères. J'ai appris à vivre avec. Ce n'est pas comme si je n'en avais jamais fait l'expérience, n'est-ce pas ?
Voilà deux ans que j'occupe ce poste et Jeffrey, mon précieux et fidèle bras droit, ne comprend toujours pas à quel point je peux être têtue. Peut-être parce que j'ai passé tant d'années à me laisser porter par les événements, incapable de rien faire pour prendre en main mon propre destin et celui des gens qui comptaient sur moi.
Aujourd'hui, tout a changé.
J'ai changé.
Ceux qui m'ont connue lorsque je n'étais qu'une jeune écervelée (oui, je l'avoue !) se demanderaient si la femme qu'ils ont devant eux est bien Relena Darlian-Peacecraft. Moi-même, quand je regarde mon reflet dans le miroir, me demande s'il reste encore quelque chose de la petite fille jetée au milieu d'une guerre que d'autres voulaient sienne.
J'ai vingt-cinq ans. On peut dire que je suis une femme accomplie. J'ai troqué le rose contre le violet aubergine. C'est peut-être aussi peu seyant, mais au moins on ne me surnomme plus "bonbonnière". Avec mes cheveux sombres coupés à la Louise Brooks qui soulignent les traits émaciés de mon visage, mes yeux d'un bleu bizarrement délavé et ma bouche qui se tord parfois d'un sourire ironique, vous diriez difficilement de moi que je suis belle. J'ai pourtant un certain charme… Celui de la force alliée à la délicatesse féminine !
Ce charme, je l'utilise sans vergogne sur mes collaborateurs et ennemis. Tous les idéaux que j'avais mis des années à forger sont partis à la poubelle dès que je me suis assise derrière ce bureau. Qui aurait cru que l'unique Espoir de la Paix serait amené à jongler avec le mensonge, l'hypocrisie, les magouilles de bas étage et les pots-de-vin ?
La gestion des colonies est une épée de Damoclès suspendue au-dessus de ma tête. Une partie de mon travail consiste à ménager la susceptibilité de chacun, surtout en cette période de commémoration. Autant jouer avec des bâtons de dynamite prêts à exploser dans vos mains ! L'actuelle épine dans mon pied a pour nom L98. Un groupuscule extrémiste, baptisé Front de Libération des Colonies, s'est mis en tête d'obtenir l'indépendance de cette colonie. Par tous les moyens. Et bien entendu, je suis en première ligne.
Jeffrey tente de me convaincre que la cérémonie de ce soir constitue l'occasion idéale pour m'éliminer. Je sais combien il s'inquiète pour moi.
Désolée, Jeffrey. Si je faisais appel à Priventa, mes invités prendraient cela pour un manque de confiance à leur égard. Et je dois ménager la susceptibilité de chacun.
Comme je l'ai dit, jamais je ne cèderai face à la menace terroriste. Quoi qu'il arrive.
Je veux construire cette paix dont on a fait porter le poids sur mes frêles épaules d'adolescente. Je veux bâtir ce monde dont ont rêvé un jour ceux qui se sont battus, puis sont morts…
J'ai une bonne raison à cela. Ma raison de vivre.
Odin.
L'amour de ma vie a cinq ans. Il n'est pas plus haut que trois pommes, a d'immenses yeux bleus, brillants, perçants, et une épaisse chevelure châtain toujours en bataille. Un adorable petit garçon au visage un peu trop sérieux pour son âge, et qui me rappelle cet adolescent qui, longtemps auparavant, a croisé ma route. Les spécialistes disent que c'est un enfant surdoué, aux capacités psychiques et intellectuelles exceptionnelles.
Que je sois une mère célibataire fait encore frémir mon entourage. Je me rappellerai toujours la tête de Dorothy Catalonia lorsque je lui ai annoncé que j'allais me faire inséminer artificiellement. J'ai cru qu'elle ne s'arrêterait jamais de hurler ! Même les journaux réputés "sérieux" ont fait leurs délices de cette nouvelle pendant des mois. Mais je m'en fichais éperdument.
Odin est né prématuré. Trop tôt. Trop petit. A peine formé. J'ai cessé de vivre lorsque j'ai vu cet être fragile et minuscule vaciller entre la vie et la mort, le corps percé de dizaines de tuyaux, le respirateur ronflant doucement à ses côtés, témoin de l'air qui circulait dans ses faibles poumons.
Vis petit être, bats-toi, accroche-toi à la vie ! Ne m'abandonne pas… J'ai tant besoin de toi… J'ai tant d'amour à te donner…
Et Odin s'est battu. Comme s'il avait entendu les prières muettes que je formais à son chevet, inlassablement. Même avec les derniers progrès de la technologie médicale, les médecins avaient peu d'espoir. C'était sans compter la volonté de fer de mon petit garçon.
Je l'ai appelé Odin. Car il a imposé son existence dans notre monde comme le dieu scandinave a assuré sa domination sur l'univers.

* * *

- Si c'est encore une secrétaire, j'abandonne ! décréta Duo en se traînant lamentablement à travers le couloir.
Ses amis le suivaient avec un entrain tout aussi peu éblouissant. Le plus atteint était Wufei, qui devait avancer avec Mei nichée au creux des bras et Ling accrochée dans le dos. Il était 14 : 10. Le rendez-vous avait été fixé à 13 : 30. Cela faisait donc quarante minutes qu'ils étaient promenés en long, en large et en travers de la succursale du Consortium Winner à la recherche de son président. Insensibles à leurs demandes, supplications et autres menaces, les standardistes les renvoyaient d'un secrétariat à l'autre avec une effrayante conscience professionnelle.
Ils étaient ainsi arrivés au dix-neuvième étage, le dernier de l'immeuble. Egalement leur dernier espoir. Duo martela rageusement le bois de la porte. Et attendit. Attendit. Attendit encore.
Il se tourna finalement vers ses compagnons d'infortune.
- Faut croire qu'il n'y a personne ! Allez, on laisse tomber et on redescend. Et cette fois, on prend l'ascenseur !
La porte s'ouvrit soudain, et l'Américain fit face à une énième secrétaire qui lui souriait d'un air innocent.
- Je suppose que M. Winner n'est pas là, dit-il en grinçant des dents. C'est pas grave ! On adoooore la marche à pied ! Allez les gars, on y va.
- Bonjour, Duo.
L'ex-Shinigami sursauta. Cette voix… Et à y regarder de plus près, ces immenses yeux bleu vert dévorant un visage angélique, ces longs cheveux blonds tombant en vagues soyeuses sur les épaules…
- Quatre… c'est toi ? hoqueta-t-il.
L'héritier Winner hocha gracieusement la tête. Et lança un long regard à son ancien partenaire, Trowa Barton.

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