Hikaru No Go Fan Fiction ❯ A toi ma Sumida ❯ Chapter 4
Titre : A toi ma Sumida
Chapitre 4
Rating : PG-13 pour yaoi très faible
« Isumi ! » appela Waya, « Tu t'es pas trop ennuyé ? »
« Du tout ! » sourit l'interpellé, « J'ai joué une partie avec Ogata-sensei ! »
Il se trouva tout à coup face à un poisson hors de l'eau. « Je me suis fait éclaté, » termina-t-il en refermant la bouche de son ami.
« Avec Ogata ? » répéta-t-il, estomaqué, « C'est lui qui t'a proposé ? »
Le visage d'Isumi s'assombrit au souvenir de la colère qui l'avait envahi, « Oui, c'est lui. »
Waya, en voyant la mine de son ami, décida de ne pas poser plus de questions sur le sujet. Ils sortirent dîner, passèrent deux heures dans la salle sombre d'un cinéma et se quittèrent pour leurs lits respectifs.
Allongé sous les draps, Shinishiro avait repris son observation du ciel blanc de son appartement.
`S'il n'avait pas vu ma partie contre Ashiwara, il ne m'aurait jamais invité à jouer, c'est certain. En même temps, je suis content qu'il m'ait remarqué et l'un n'aurait pas été possible sans l'autre... C'est compliqué... Je voudrais qu'il me regarde encore comme dans le couloir avant-hier, qu'il me dévisage et me déshabille de ses yeux bruns ; qu'il m'invite... non, qu'il me demande de jouer avec lui et sans penser `De combien de pierres de handicap ce gamin a-t-il besoin ?' Je veux sentir son corps frémir à chaque pierre que je déposerai sur le goban, que son regard s'enflamme en se posant sur moi ; je veux l'englober de mon corps et de mes coups. Ah ! Mon dieu, que suis-je en train de penser ? Dire que je m'étais toujours considéré comme normal ; pas étonnant que je n'ai jamais été attiré par les filles, si c'était pour tomber raide dingue d'Ogata. Oui, je veux que mon image reste à jamais gravée dans ton esprit !'
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Six mois passèrent. Il était à présent 4ème dan et sa progression en avait étonné plus d'un. Lors du tournoi des futures étoiles Fujiwarano (dites rien pour le nom, j'ai pas trouvé mieux... ') opposant tous les pros de 1 à 3 dan, il s'était retrouvé en finale contre Hikaru. Sa victoire lui avait offert le 4ème dan, et Shindo s'était octroyé son 3ème. Narusawa vantait ouvertement son élève chaque fois qu'il en avait l'occasion et Morishita l'invitait régulièrement à son groupe d'étude. Pourtant, il s'était refusé d'utiliser à nouveau sa technique Sumida, telle qu'il l'avait nommée, hors des grandes occasions qui se résumaient dans son esprit à la partie qu'il jouerait un jour prochain contre Ogata.
Il avait continué de s'entraîner officiellement le jour et officieusement la nuit. Le résultat avait été immédiat et continu ; il faut dire que peu pouvaient se vanter de jouer 24h/24. Il lui arrivait d'ailleurs de se demander comment son esprit faisait pour suivre, à ne jamais se reposer mais après tout, ce n'étaient ni plus ni moins que de simples rêves...
Son obsession pour Ogata n'avait pas faibli non plus et dès qu'il l'avait pu, il s'était empressé d'assister à ses parties du tournoi Honinbo. Le Judan avait finalement décroché son titre et Isumi, se sentant distancé, avait mis les bouchées doubles. Il ne pensait plus qu'à ça : Ogata et le go, rien d'autre ne comptait. Il s'imaginait régulièrement jouant contre l'homme, cherchant quels coups celui-ci répondrait à chacun des siens ; ses quelques centaines de kifus officiels se mélangeaient dans le cerveau de Shinishiro, et il rêvait d'y en ajouter un unique, le plus beau d'entre eux, portant son nom, marque de l'emprise qu'il voulait jouer dans la vie du blond.
De telles pensées l'avaient obligé à apprendre le mensonge et la honte le submergeait chaque fois que Waya s'inquiétait sur la rougeur de son visage et qu'il devait lui mentir. Les mêmes remords l'avaient finalement forcé à avouer une partie de son secret à son meilleur ami : il était amoureux, amoureux comme seul un fou peut l'être.
Waya, pas plus stupide mais bien plus curieux qu'un autre, s'était immédiatement mis à la recherche de cette nouvelle passion. Il n'avait pas eu à chercher bien loin : la pile de kifus qu'il avait découverte cachée sous le lit d'Isumi alors que celui-ci se douchait était assez claire. Lorsque le garçon aux yeux bleus était réapparu, il avait fait comme si de rien n'était, quelque peu choqué de sa découverte.
`Voilà donc la raison de ton engouement. Te rends-tu seulement compte qu'il s'est déjà présenté à des festivals de go, des femmes à son bras... Tiens, c'est vrai qu'il était tout seul, cette année ! Shin, tu me l'aurais dit si tu sortais avec lui, n'est-ce pas ?' Il l'avait finalement confronté sur le sujet.
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« Shin, es-tu gay ? » lui demanda-t-il au détour d'une conversation.
Le jeune homme rougit autant que cela était humainement possible et détourna les yeux, « Il semblerait que oui... » Cette fois-ci, il n'avait même pas cherché à éviter la question, sachant pertinemment que son ami devait avoir en sa possession une preuve implacable, ce qui était d'ailleurs le cas.
Waya continua son interrogatoire, « Et-ce que tu m'as déjà... hum... enfin tu sais quoi. » Ce fut à son tour de rougir : `reluquer' était ce qu'il avait voulu dire mais le mot avait refusé de se laisser prononcer.
Isumi écarquilla les yeux, « Oh... Non, ne t'inquiètes pas, » répondit-il, vaguement soulagé que ce soit ce qui tracasse le plus le jeune, « Je t'ai toujours considéré comme mon meilleur ami... enfin, si tu veux bien le rester en sachant ce que tu sais. »
Waya cligna plusieurs fois des paupières, interloqué, et éclata de rire, « Franchement, tu crois vraiment qu'un truc comme ça puisse me faire changer d'opinion ? Voyons, Shin-chan..., » les yeux tendres, un sourire doux aux lèvres, » C'est bien toi qui me l'avais dit : `Les meilleurs amis sont là pour écouter ce que nul autre ne peut entendre.' Et bien je suis là, comme tu l'as toujours été. Tu m'as montré une amitié que je n'avais jamais ressenti, crois pas que j'te laisserai partir ! En plus, j'deviens presque poète à force de te côtoyer et ça plait vachement à ma copine. »
Les larmes coulaient le long des joues d'Isumi à la fin du discours et ils s'étreignirent comme seuls les plus proches amis peuvent le faire sans que des voyeurs indiscrets se posent des questions sur la nature de leur relation.
« Comment as-tu compris ? » risqua Isumi lorsqu'ils furent calmés.
« Les kifus d'Ogata dans ta chambre, c'était louche. J'ai mené ma petite enquête. A ce propos... Shin... » Il hésitait à en parler, « Tu es sûr qu'il est gay ? » Ca y était, il l'avait dit et espérait que ses craintes ne soulèveraient pas de délicat problème.
« Hé bien... Je n'en sais rien. C'est évident que cela me causera des ennuis un jour ou l'autre mais pour l'instant, je veux juste qu'il me regarde en tant que joueur. Pour la suite, tant pis, je verrais plus tard. »
Waya entendait la voix de son ami trembler, preuve que le sujet le tracassait mais il s'efforçait visiblement de ne pas y penser et cela, il le respecterait. « Bien. Et s'il y a un problème, je suis là, d'accord ? Alors j'apprécierais grandement que tu viennes me voir avant de rendre visite au Sumida... »
Il fut gratifié d'un sourire radieux et contagieux, puis scellèrent leur pacte autour de plateaux de sushis.
Depuis ce jour-là, Waya parlait de sa copine et Isumi d'Ogata. Derrière eux, leurs amis les regardaient pensifs.
« Vous croyez qu'ils sont... » Laissa Fuku en suspens.
« Pas possible, Waya a un copine, » brisa Hikaru.
Il aurait été faux de dire que le rapprochement n'intriguait pas le garçon. Au contraire. Il avait observé au cours de l'année précédente la séparation progressive des deux amis puis leur rapprochement brutal au coma et rétablissement d'Isumi. Le jeune homme avait payé la partie qu'il devait au blond, et gagné de justesse la finale du tournoi. Les progrès avaient impressionné Hikaru : bien qu'il ait été témoin de nombreuses parties officielles, un affrontement direct était différent et il avait pu mesurer toute l'influence que le danger de mort avait eu sur son ami. Lorsqu'il avait demandé ce qui s'était passé, les yeux bleus s'étaient voilés de larmes et une voix douce avait simplement répondu, « Mon cœur bat de nouveau pour le go. »
Cela suffisait à Hikaru. D'autant plus que son propre cœur était régulièrement ailleurs, occupé à rêvasser sur certaine personne.
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Et Isumi se retrouvait là, attendant d'entrer dans la salle où il affronterait Akira Toya. Le fils du meijin, 4ème dan à l'époque du tournoi Fuji, n'avait donc pu y participer et il y avait maintenant plusieurs années qu'ils ne s'étaient affrontés. C'était une partie importante car le garçon était le joueur le plus proche d'Ogata. Occasion unique de s'attirer à jamais l'intérêt de son idole, ou de s'écraser pitoyablement dans les catacombes des joueurs ratés.
Il avait réfléchi toute la nuit quand au fait d'utiliser ou non la Sumida et s'était prononcé contre. La technique se découvrait chaque nuit plus complexe et en user lors d'un match officiel sans la maîtriser pouvait s'avérer risqué. Cependant il était improbable qu'il puisse gagner contre le jeune Toya, au talent incontestable.
Il respira doucement, tentant vainement de calmer son cœur affolé et se ressassa mentalement les kifus qui s'entassaient dans sa tête. Il était fatigué. Cette partie lui apparaissait comme la dernière étape avant celui qui emplissait ses pensées et le stress l'avait empêché de dormir correctement les quinze derniers jours. Les cernes sous ses yeux en témoignaient assez clairement. La salle lui semblait surchauffée et il aurait bien voulu qu'on ouvre une fenêtre pour rafraîchir son cerveau bouillant. Il alla enfin s'asseoir, Akira prit place en face de lui et ils se saluèrent.
Son regard erra autour de la pièce et croisa celui de son maître qui inclina la tête ; Koyo Toya était en pleine discussion chuchotée avec Ogata et Isumi put observer le blond à son aise. De vagues traits bleus dénonçaient l'intérêt que le Judan portait à cette partie et il se sentit flatté. Sous le poids du regard, l'homme se retourna vivement, imité par un meijin qui fut à peine remarqué.
`Oui, regarde-moi ! J'avance et je te rattrape, je n'abandonnerai pas face à ton élève, aussi doué soit-il. C'est contre une partie de toi que je joue aujourd'hui et je vaincrai ! Regarde-moi monter les marches qui mènent jusqu'à toi car je serai le premier à t'atteindre !'
Il se retourna vers Akira et vit sa rage de vaincre prendre reflet dans les yeux du garçon. La partie allait être serrée...
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Comme il l'avait prévu, les coups de son adversaire s'inspiraient beaucoup du style d'Ogata, l'autre influence étant sûrement le meijin. Il se surprenait à attaquer comme il ne l'avait jamais fait, ne voulant laisser aucun répit au garçon. La moindre faille et Akira risquait de l'utiliser, il se devait d'avoir un jeu parfait. C'était un besoin, une obsession, une véritable drogue. Il sentait qu'à la moindre défaillance, son château de cartes péniblement érigé tomberait en cendres. Ses mains tremblaient de désir et il luttait contre son propre corps pour le cacher. Il était complètement accro, voulait, non, devait attaquer encore et encore, la défense n'existait même plus, c'était du quitte ou double. Akira plaça une nouvelle pierre, tentant un passage forcé. Non, il ne le laisserait pas prendre l'avantage ! Il répliqua d'un coup sec sur le goban, endommageant gravement l'assemblage de pierres de son adversaire. Celui-ci réfléchissait longtemps, envisageait toutes les possibilités et le temps passait, la pause approchait vite, semblable à une infirmière qui lui arracherait la dose nécessaire à son mental. Il devait forcer toujours plus contre les remparts du jeune, le forcer à se reculer, se retrancher, se...
« J'abandonne. »
Isumi avait du mal à réaliser ; son corps brûlait, ses tempes éclataient de l'intérieur et il balbutia « Merci pour la partie. »
Ils rangèrent les pierres et il se leva, pour retomber aussitôt. Sa vue devenait floue, ses jambes semblaient de coton. Il se força à se mettre debout, sous les regards étonnés de tous ceux qui l'avaient vu s'écrouler. Une personne qu'il identifia comme son maître le prit par le bras et l'emmena doucement à l'extérieur. L'air frais du couloir éclaira sa vision et il se trouva face à un visage inquiet.
« Je ne pourrais que te complimenter, si seulement tu me paraissais en meilleur état. Comment te sens-tu ? » Questionna gentiment Narusawa.
« Je ne sais pas très bien... J'ai mal à la tête, » avoua-t-il finalement.
Il sentit une main froide sur son front, « Pas étonnant, tu es brûlant. Isumi, depuis combien de temps n'as-tu pas dormi ? »
« Six mois ? » Lança-t-il au hasard, commentaire que seul Waya, qui venait de les rejoindre, compris pour ce qu'il était vraiment. Le garçon lui mit de force un cachet dans la bouche et une bouteille d'eau dans les mains. Lorsqu'il l'eut avalé, Isumi regarda son ami, l'air interrogateur.
« Shin-chan, depuis le temps qu'on se connaît, tu croyais vraiment que je n'aurais pas prévu le coup ? »
Le regard amusément compassionné de Waya les fit tous deux éclater de rire.
Un `Aie ! Ma tête...' joignit celui de Narusawa au doublé du plus jeune.
Le couloir s'emplit de monde, les obligeant à redevenir plus sérieux. Akira s'avança vers lui et Isumi vit la main d'Ogata quitter son épaule. Un très léger sentiment de jalousie le prit, qui s'évapora aussitôt.
« C'était une belle partie, » complimenta l'adolescent.
« Et la plus dure que j'ai jamais joué, » rendit Shinishiro.
« J'espère avoir un jour le plaisir d'une revanche. »
« Ce serait avec joie. »
Le jeune le laissa et joignit Hikaru un peu plus loin dans le couloir. Isumi les observa un instant, les yeux à peine plissés, une révélation germant dans son esprit mais son étude s'arrêta d'elle-même lorsqu'il sentit deux yeux bruns sur lui.
Tournant la tête, il se laissa fondre sous le regard, profitant pleinement des sensations de plaisir que celui-ci infligeait à son corps. Ses pensées s'embuaient de nouveau, il flottait dans les cieux et se retrouva seul avec Ogata, centres d'un monde de brumes blanches. L'homme ne prononçait pas un mot, se contentant de l'échange visuel.
« Je t'attends, » semblait-il lui dire d'un air de défi.
« J'arrive, » voulait lui répondre Isumi.
Il se sentit bercé doucement, puis secoué. « Shinishiro ! Shinishiro ! ». Il détourna la tête pour entr'apercevoir son maître qui paraissait s'inquiéter de son absence et revint brusquement vers Ogata, mais la demi seconde où les yeux bleus l'avaient quitté avait été suffisante à l'homme pour disparaître.